Spider Tales 13: Vrai ou Faux: Le méga-quizz

Les lecteurs de la première heure s'en souviendront peut-être: la série "Spider Tales" disposait d'un premier article introductif, sous forme d'un "vrai ou faux?" de 10 questions sur les araignées. Malheureusement, suite à une erreur de manipulation, cet article a été accidentellement effacé. C'est bien dommage, car ce format est ludique, à lire comme à écrire, et permet de mémoriser facilement en impliquant le lecteur. Ce quizz se veut le digne successeur, revu et augmenté, de cet article disparu.

Il existe tellement de mythes sur les araignées que quinze longs articles de "Spider Tales", qui démontent la bagatelle de presque cinquante légendes et idées reçues, n'ont pas encore suffi à en faire le tour. Ces mythes sont partout, et passent malheureusement très souvent pour des informations véridiques, y compris parfois dans des médias respectés à vocation éducative. De plus, une simple formulation maladroite ou trop approximative, la moindre généralisation un peu abusive, peut devenir une mésinformation qui servira de point de départ à une nouvelle légende urbaine.

Le quizz "vrai ou faux?" qui suit vous donne l'occasion de tester vos connaissances sur les araignées, et d'estimer la part de mythe dans ce que vous pensez savoir, avec 20 factoids dont vous devrez déterminer la véracité. Certains ont déjà été abordés dans les "Spider Tales" précédents, d'autres sont nouveaux. Attention cependant, observez bien la formulation: il y a des pièges. La limite qui sépare une information rigoureuse d'un mythe est ténue, et tient bien souvent à un synonyme mal choisi ou une formule trop approximative...

1. Des couleurs vives sur une araignée indiquent en général qu'elle est dangereuse.
2. Les pholques ont un des venins les plus virulents de toutes les araignées, mais sont incapables de l'injecter à un humain.
3. Toutes les araignées enveloppent leur ponte dans un cocon de soie.
4. Les bébés araignées dévorent fréquemment leur mère en guise de première proie.
5. Il n'existe aucune astuce, à l'efficacité prouvée, qui repousse les araignées, sans les tuer ni nuire à la santé des utilisateurs.
6. La meilleure façon de faire la différence entre une araignée mâle et une femelle est dans la silhouette, plus élancée chez les mâles.
7. La tégénaire est une espèce courante dans les maisons.
8. Si vous trouvez une araignée dans la maison et que vous ne les tolérez pas, autant l'écrabouiller, car la remettre dehors ne lui promettrait pas un sort beaucoup plus enviable.
9. Il existe une trentaine de causes de problèmes de peau qui sont fréquemment confondues avec des morsures d'araignées.
10. On ne connaît qu'une seule famille d'araignées non venimeuses.
11. Les mygales ne sont pas des araignées à proprement parler, mais de proches cousines.
12. Les araignées voyagent très fréquemment avec les transports de marchandises, en particulier les plantes en pot et les fruits et légumes.
13. A la course, au sol et en ligne droite, les tégénaires sont les araignées les plus rapides connues.
14. Atrax robustus est la seule araignée connue dont la morsure peut être, dans une proportion significative des cas, mortelle pour une personne adulte en bonne santé.
15. L'un des effets fréquents de la morsure de l'araignée-banane est un priapisme prolongé, d'où l'idée d'en tirer un "super-viagra naturel".
16. Bien que les araignées soient principalement prédatrices, il peut leur arriver de consommer des proies déjà mortes, et beaucoup incluent même occasionnellement des matières végétales dans leur régime.
17. Les araignées ont été parmi les tout premiers animaux qui colonisèrent la terre ferme.
18. La soie des araignées sert principalement à fabriquer des toiles pour piéger leurs proies.

19. Nous sous-estimons grandement l'abondance des araignées qui nous entourent, parce que nous ne remarquons généralement que les plus grosses.
20.
Les araignées peuvent voyager dans les airs sur des centaines, voire des milliers de kilomètres.

Réponses:

1. Des couleurs vives sur une araignée indiquent en général qu'elle est dangereuse.  

FAUX. L'aposématisme consiste à prévenir les prédateurs potentiels que l'on dispose d'une défense cachée (venin, toxicité, épines, ou simplement un goût désagréable) à l'aide de couleurs contrastées et vives, et de comportements qui les mettent en évidence. Il est effectivement très répandu dans le règne animal. Ce n'est cependant pas une règle: tous les animaux venimeux n'ont pas nécessairement une coloration aposématique. 

Comme cette Leucauge licina, de nombreuses espèces d'araignées vivement colorées sont inoffensives

Ce comportement n'a vraiment d'utilité que pour les animaux dont les prédateurs principaux chassent et se repèrent surtout à vue, comme les oiseaux ou les mammifères diurnes; il n'est pas avantageux pour ceux qui interagissent surtout avec des prédateurs qui chassent à l'odeur ou au toucher. De plus, les couleurs vives ne sont pas forcément aposématiques; ça peut aussi être du mimétisme batésien ou un camouflage qui imite la couleur du support (des couleurs très vives peuvent camoufler efficacement dans un environnement coloré), ou une coloration qui casse les contours de l'animal et le rend difficile à identifier comme une araignée (on parle de motifs disruptifs). Il arrive également que ces couleurs existent car elles ne sont tout simplement pas un handicap significatif pour la survie de l'espèce, ou qu'elles aient une fonction que nous n'avons pas comprise car nous ne la voyons pas de la bonne façon (il ne faut pas oublier que beaucoup d'animaux ont une vision différente de la nôtre). La plupart des colorations vives chez les araignées ne sont donc pas aposématiques.

Cette Araneus quadratus est vivement colorée, mais se fond dans le brun-rouge de la plante où elle s'est installée

Les araignées dont la coloration est réellement aposématique ont généralement des zones contrastées stratégiquement placées, sur la face ventrale du corps, le dessous des pattes et au niveau des chélicères, particulièrement frappantes quand l'araignée se met en position de défense.

Cette Parapalystes sp. présente une coloration aposématique sur le dessous du corps et des pattes, qui contraste violemment avec sa face dorsale discrète lorsqu'elle se met en position de défense (ce n'est pas une araignée dangereuse).

Ceci dit, même dans ce dernier cas, il est important de ne pas amalgamer aposématisme et dangerosité pour les humains. Notre espèce ne fait pas partie des prédateurs naturels des araignées. Ce n'est donc pas à nous que ces signaux défensifs sont destinés, et l'efficacité sur les humains n'a jamais été une contrainte de sélection dans l'évolution de leurs venins.
Non seulement les couleurs vives chez les araignées ne sont donc pas forcément aposématiques, mais l'aposématisme n'est que très rarement indicateur de danger pour notre espèce. 


2.
Les pholques des maisons ont un des venins les plus virulents de toutes les araignées, mais sont incapables de l'injecter à un humain. 

FAUX. C'est une légende "de cour de récré" très répandue dans les pays anglophones. D'après ce mythe, les pholques (famille des Pholcidae) auraient le venin le plus puissant de toutes les araignées, mais seraient dotés de crochets trop courts pour perforer la peau humaine. Rappelons d'abord que dire d'une araignée qu'elle est "la plus venimeuse" ou que son venin est "le plus puissant" n'a aucun sens: la toxicité d'une substance n'est pas une notion absolue, et quelque chose qui sera très toxique pour un organisme vivant peut l'être très peu pour un autre.
Évidemment, ici, c'est bien une prétendue toxicité pour l'humain que sous-entend le terme "venin virulent".
On peut légitimement se demander quel avantage sélectif pourrait bien avoir un venin aussi toxique pour les humains chez un animal incapable d'en percer la peau.
Un venin actif sur des cibles aussi différentes que des arthropodes et des mammifères suppose, dans la plupart des cas, une grande complexité, donc une dépense énergétique élevée pour sa production. Certes, le hasard de l'évolution conduit quelquefois à des coïncidences inattendues, mais ces accidents restent très improbables.
Ce mythe a été réfuté avec brio (et humour) par l'équipe de l'émission américaine Mythbusters, par la réalisation de tests comparatifs de toxicité avec l'aide de Charles Kristensen (biologiste et fournisseur de venins d'Arachnides), puis d'un test de morsure sur l'un des présentateurs. Bien entendu, le venin de pholque s'est avéré peu toxique pour les souris, et la morsure sur l'Homme sans effets notables. Ces résultats ont été confirmés par une étude récente plus rigoureuse.
Il y a toutefois une partie de cette affirmation qui s'avère presque véridique: il est difficile pour un humain de parvenir à se faire mordre par un pholque. Ces araignées ont des chélicères proportionnellement petites, plus ou moins fusionnées, et dotées de crochets très courts¹.  Seules les plus grandes espèces de la famille peuvent donc percer la peau, et encore, seulement là où elle est très fine, et/ou en pinçant un pli. Les morsures de pholques sur des humains sont donc non seulement excessivement rares, mais toujours bénignes.
La base de ce mythe est très probablement l'étonnante capacité de ces araignées à capturer et consommer des proies bien armées et/ou considérablement plus grosses que leur propre corps, comme des guêpes, des tégénaires, toutes sortes d'autres araignées, des myriapodes...
Dont l'araignée ne triomphe pas grâce à son venin, mais à l'aide de sa soie et de ses immenses pattes. Elles lui permettent, en effet, d'emmailloter soigneusement la proie, tout en gardant son corps à bonne distance, hors de portée d'une éventuelle contre-attaque. Ce n'est qu'une fois son futur repas incapable de répliquer, que l'araignée daigne s'en approcher pour le mordre avec ses minuscules crochets... 

Son venin n'est pas l'arme qui rend Pholcus phalangioides si redoutable; ses immenses pattes sont la clé de ses aptitudes de chasseur.


3. Toutes les araignées enveloppent leur ponte dans un cocon de soie.
 

VRAI. Toutes les araignées actuelles connues, y compris les Mesothelae, enveloppent leurs œufs dans de la soie. La complexité de ce sac de soie varie de quelques simples fils qui tiennent les œufs ensemble, à un cocon élaboré, à plusieurs couches de textures différentes, avec des matériaux incorporés dedans. Même les espèces qui ne pondent qu'un ou deux œufs, comme les minuscules Symphytognathidae, produisent des cocons. Les fonctions de ce cocon sont multiples: protéger la ponte de la déshydratation et de la température, cacher son odeur du flair des prédateurs et des parasitoïdes, et l'accrocher à la toile ou aux chélicères de la mère. Même si cette hypothèse est l'objet de discussions (et même s'il sera probablement impossible d'avoir un jour une quelconque certitude sur le sujet), il est supposé que la fonction première de la soie des araignées fut la production de cocons ovigères, pour protéger leurs œufs de la déshydratation.

Les araignées du genre Palystes construisent d'énormes cocons très complexes, constitués de plusieurs couches de soie intercalées avec des couches de débris incorporés dans les parois.


4. Les bébés araignées dévorent fréquemment leur mère en guise de première proie.
 

FAUX. Bien qu'elle soit souvent instrumentalisée pour projeter des émotions humaines sur les araignées, et présenter ces animaux comme des monstres capables de dévorer leur propre mère, la matriphagie est en fait très peu répandue. Cette forme extrême de soin parental n'est connue que chez certains membres de six familles (sur 130). La matriphagie peut être obligatoire (comme chez Amaurobius ferox) ou facultative, ne se produisant que comme dernier recours pour nourrir les petits (comme chez Coelotes terrestris). Les espèces chez qui ce comportement existe ne produisent en général qu'une ponte, dans laquelle la mère investit énormément d'efforts pour assurer un taux de survie maximal de sa progéniture. Chez les espèces qui la pratiquent, comme Amaurobius ferox (la mieux connue et la plus étudiée), la matriphagie permet une accélération substantielle de la croissance, et un taux de survie nettement plus élevé des petits, qui sont plus grands et plus vigoureux au moment où il se dispersent, par rapport à des pontes où on empêche ce comportement de se produire. D'ailleurs, si on retire une mère Amaurobius ferox pour l'empêcher de se faire manger par ses petits, elle va généralement retenter en produisant une seconde ponte, avec un succès moindre. C'est la mère qui initie ce comportement, par des signaux mécaniques (et peut-être chimiques) pour attirer ses petits autour d'elle et exciter leur instinct prédateur.

Seulement quelques espèces de six familles d'araignées, comme cette Amaurobius ferox, pratiquent la matriphagie

On croit souvent que les araignées-loup (Lycosidae) qui portent leurs petits sur leur abdomen, sont en train de se faire dévorer, ou en passe de l'être; c'est faux, celles-ci ne font que les transporter et les garder jusqu'à leur dispersion. D'ailleurs, les Lycosidae produisent plusieurs pontes à la suite durant leur cycle de reproduction.

On croit souvent que les Lycosidae (ici Hogna radiata) qui portent leurs petits sont en train de se faire dévorer, mais la matriphagie n'est en fait pas connue chez cette famille


5. Il n'existe aucune astuce, à l'efficacité prouvée, qui repousse les araignées, sans les tuer ni nuire à la santé des utilisateurs.  

VRAI. La plupart des plantes supposées repousser les araignées ne fonctionnent pas, et les substances qu'elles semblent effectivement fuir (diatomite, tabac, certaines huiles essentielles) sont en fait d'une toxicité prouvée ou probable pour elles, les autres arthropodes et/ou les humains et animaux de compagnie. Ce sujet a été traité en profondeur dans le Spider Tales n°10, parties 1 et 2.


6. La meilleure façon de faire la différence entre une araignée mâle et une femelle est dans la silhouette, plus élancée chez les mâles.
 

FAUX. Même si les araignées mâles ont souvent une silhouette plus élancée, des pattes plus longues et une taille plus petite que les femelles, ce n'est pas toujours le cas. On distingue cependant les mâles des femelles (chez les araignées adultes) par la présence de bulbes copulateurs au bout de leurs pédipalpes, qui forment de petites "boules" souvent comparées à des "gants de boxe".

On peut aisément différencier le mâle (à gauche) de la femelle (à droite) par la présence de bulbes copulateurs qui forment des "boules" au bout de ses pédipalpes.


7. La tégénaire est une espèce courante dans les maisons.
 

FAUX. Les tégénaires ne sont pas une espèce, mais un groupe de genres apparentés, au sein de la famille des Agelenidae. Parmi les différents genres de tégénaires représentés en France, on trouve Aterigena, Eratigena, Malthonica et Tegenaria, qui totalisent une grosse vingtaine d'espèces. Certaines, comme les tégénaires noires (Eratigena gr. atrica), la tégénaire domestique (Tegenaria domestica) et la tégénaire des murs (Tegenaria parietina) sont des commensaux communs dans les maisons, mais toutes les espèces ne recherchent pas forcément les constructions humaines.

Tegenaria dalmatica est une petite tégénaire qui ne recherche pas particulièrement les constructions humaines


8. Si vous trouvez une araignée dans la maison et que vous ne les tolérez pas, autant l'écrabouiller, car la remettre dehors ne lui promettrait pas un sort beaucoup plus enviable.
 

FAUX. Le sujet a été traité en détail dans Spider Tales 8.


9. Il existe une trentaine de causes de problèmes de peau qui sont fréquemment confondues avec des morsures d'araignées.
 

VRAI. Ce point a déjà été traité dans plusieurs articles de Spider Tales, en particulier en ce qui concerne les lésions nécrotiques. Celles-ci sont notoirement difficiles à diagnostiquer et très fréquemment imputées, à tort, à certaines araignées capables ou non de causer de telles lésions, en particulier les "recluses" (Loxosceles spp.). Pas moins de vingt-huit maladies de peau différentes, aux causes variées, ont été abusivement diagnostiquées, au moins une fois, comme des morsures d'araignées. Certaines le sont très fréquemment, comme les infections cutanées à staphylocoques et à streptocoques. 


10. On ne connaît qu'une seule famille d'araignées non venimeuses.
 

VRAI dans l'état actuel de nos connaissances. La famille des Uloboridae est la seule famille d'araignées dont toutes les espèces connues (en tout cas, toutes les espèces chez qui cela a été étudié en détail) sont dépourvues d'un appareil venimeux fonctionnel. La perte de l'appareil venimeux s'est également produite chez les deux espèces du genre Holarchaea, de petites araignées d'Australie et Nouvelle-Zélande, autrefois classées dans une famille à part entière, mais aujourd'hui incluses dans les Anapidae. Jusqu'en 2010, il était supposé que les Mesothelae étaient dépourvues de glandes à venin, mais ce n'est pas le cas, au moins pour les femelles. Rappelons cependant que le fait que toutes les autres araignées soient venimeuses n'implique pas forcément un quelconque danger pour notre espèce!

Les Uloboridae sont la seule famille d'araignées dépourvues de venin.


11. Les mygales ne sont pas des araignées à proprement parler, mais de proches cousines.
 

FAUX. On trouve parfois cette erreur, surtout en anglais, car dans cette langue, les Aranéomorphes sont appelées "true spiders" (araignées vraies) ce qui peut faussement laisser croire que les autres ne sont pas de "vraies" araignées.
Le nom "araignées" désigne l'ordre des Araneae, qui inclut le sous-ordre des Mesothelae et celui des Opisthothelae, lui-même divisé en deux infra-ordres, les Araneomorphae et les Mygalomorphae (les mygales). Ces dernières sont donc bien des araignées au sens strict.

Les mygales (Mygalomorphae) sont bien des araignées au sens propre du terme

 
12. Les araignées voyagent très fréquemment avec les transports de marchandises, en particulier les plantes en pot et les fruits et légumes.
 

VRAI. Petites, discrètes et trouvant chaleur, sécurité et nourriture dans les entrepôts et les pépinières, les araignées voyagent fréquemment avec les marchandises, en particulier les plantes en pot. De nombreuses espèces ont considérablement étendu leur aire de répartition en voyageant par ce biais, comme Hasarius adansoni (Salticidae), Uloborus plumipes (Uloboridae), Pandava laminata (Titanoecidae) ou Cyrtophora citricola (Araneidae). Parmi les cas plus spectaculaires, on retrouve Macrothele calpeiana (Macrothelidae), une mygale qui voyage parfois dans la motte des oliviers andalous en pot, et Heteropoda venatoria (Sparassidae), l'araignée la plus fréquemment trouvée dans les cargaisons de fruits.

Uloborus plumipes voyage avec les plantes en pot; elle est très commune dans les pépinières, les serres et les jardineries


13. A la course, au sol et en ligne droite, les tégénaires sont les araignées les plus rapides connues.
 

VRAI dans l'état actuel de nos connaissances. Avec une vitesse pouvant atteindre 0.52 m/s, soit 1.9 km/h, les tégénaires noires (Eratigena gr. atrica) sont les araignées les plus rapides dont la course a été mesurée, au sol et en ligne droite. Cela paraît étonnamment lent par rapport à l'impression d'extrême rapidité que dégage cet animal quand il court, mais il ne faut pas oublier que, pour une tégénaire de 15 mm, cette vitesse correspond à 34 fois la longueur de son corps en une seconde... Le record de vitesse, sur piste (ils ne vont jamais aussi vite dans la nature, où ils courent en zigzag et doivent éviter des obstacles), d'un guépard est de 110 km/h, soit environ 20 à 28 longueurs de corps par seconde, et Usain Bolt, dans sa meilleure forme, parcourt 6 fois la longueur de son corps en une seconde!
Cependant, il est important de prendre ce record avec des pincettes, car la vitesse maximale de course de la plupart des araignées est tout simplement inconnue, et il est loin d'être improbable qu'il existe des coureuses plus rapides.
De plus, il ne s'agit pas de la plus grande vélocité de déplacement mesurée chez les araignées. Cebrennus rechenbergi, une araignée des déserts marocains, dévale les dunes à 7 km/h avec une étrange locomotion par roulade, et les araignées de la famille des Selenopidae sont capables de se déplacer de côté avec une célérité incroyable: elles peuvent tourner sur elles-mêmes jusqu'à 10 fois en une seconde!

Les tégénaires sont les araignées les plus véloces connues en course linéaire, mais les Selenopidae sont capables des déplacements les plus rapides: elles peuvent tourner 10 fois sur elles-mêmes en une seconde, trop vite pour être perçues par l’œil humain!


14. Atrax robustus est la seule araignée connue dont la morsure peut être, dans une proportion significative des cas, mortelle pour une personne adulte en bonne santé.
 

VRAI. Atrax robustus, une mygale endémique de l'ouest de l'Australie, a causé la mort d'une quinzaine de personnes en cinquante ans (entre 1927 et 1981), dont des adultes jeunes et sans antécédents de santé qui les auraient fragilisés. Aucun décès n'a cependant été enregistré depuis la mise sur le marché d'un antivenin en 1981. Cette question a été traitée plus en détail dans Spider Tales 6.


15. L'un des effets fréquents de la morsure de l'araignée-banane est un priapisme prolongé, d'où l'idée d'en tirer un "super-viagra naturel".
 

FAUX. Cette rumeur farfelue a été reprise par un grand nombre de médias, généralement des tabloids ou des sites de science-buzz: le venin des araignées du genre Phoneutria, des araignées médicalement importantes d'Amérique du Sud, aurait pour effet sur l'homme une érection prolongée, durant environ quatre heures. C'est sans doute son caractère insolite, rendu d'autant plus cocasse par la coïncidence avec le nom commun "araignée-banane", qui a fait le succès de ce factoid. Pourtant, le priapisme n'est en fait pas un effet courant de la morsure des Phoneutria: il n'apparaît que dans certains cas d'envenimations sévères, qui ne représentent qu'environ 0.5% des cas de morsures. Les effets les plus communs d'une morsure de Phoneutria sp. sont la douleur (généralement intense), un oedème local, une hyperémie dans le membre mordu, et des sueurs froides. Dans les cas plus graves surviennent des spasmes et crampes musculaires, des nausées et des perturbations du rythme cardiaque. D'autres symptômes plus anecdotiques surviennent dans les rares envenimations sévères, le priapisme étant l'un d'eux. Ceci dit, sur la souris, celui-ci semble être un des effets principaux d'une des toxines du venin, la PhTx2-6. Le problème est qu'il ne s'agit pas du seul effet de cette toxine, celle-ci causant également, aux doses requises pour provoquer le priapisme, une congestion vasculaire dans divers organes vitaux et une hémorragie pulmonaire. A cause de ces effets indésirables, ce n'est pas la toxine elle-mêmequi est étudiée comme une potentielle piste de traitement de la dysfonction érectile chez l'humain, mais une molécule de synthèse, à la structure similaire mais à la toxicité moindre.


16. Bien que les araignées soient principalement prédatrices, il peut leur arriver de consommer des proies déjà mortes, et beaucoup incluent même occasionnellement des matières végétales dans leur régime.
 

VRAI. Les araignées sont souvent présentées comme strictement prédatrices; ce n'est pourtant pas exact. Même si elles réagissent nettement plus aux proies vivantes, qu'elles détectent plus facilement, il leur arrive parfois de consommer des cadavres d'arthropodes déjà morts. Ce comportement occasionnellement charognard a été étudié en détail chez Loxosceles reclusa, la recluse brune nord-américaine. Elle n'est cependant pas un cas isolé; dans une étude où des proies mortes ont été proposées à 100 araignées, de 24 espèces dans 11 familles différentes, celles-ci ont été acceptées par 99 araignées sur 100. La seule exception était la seule mygale (Aptostichus sp., famille des Euctenizidae) de l'échantillon, peut-être parce que l'absence de mouvement rendait la proie indétectable pour cette araignée terricole qui chasse depuis l'entrée de son terrier.
Encore plus étonnant: beaucoup d'araignées se nourrissent occasionnellement de matières végétales. Si Bagheera kiplingi, une Salticidae d'Amérique centrale, est célèbre pour être la seule araignée connue qui soit principalement végétarienne, beaucoup d'autres ne rechignent pas à se nourrir de nectars floraux et extrafloraux (produits par d'autres parties de la plante) de temps en temps. La présence de fructose, indicatrice de consommation de nectar, a été détectée dans les tubes digestifs d'araignées de dix familles différentes. Curieusement, cette nectarivorie n'existe pas que chez les araignées errantes; certaines araignées à toiles, comme des Araneidae, des Tetragnathidae, des Theridiidae et des Agelenidae, ont également été testées positives au fructose.

Les araignées du genre Cheiracanthium ont été parmi les premières araignées à avoir été observées se nourrissant de nectar


17. Les araignées ont été parmi les tout premiers animaux qui colonisèrent la terre ferme.
 

FAUX. Les Arachnides ont été parmi les premiers animaux à fouler la terre ferme, mais les araignées semblent n'être apparues que bien plus tard. Alors que les premiers arachnides indubitablement terrestres datent du Dévonien inférieur (410 millions d'années), Arthrolycosa wolterbeeki, la plus ancienne araignée fossile connue, n'a "que" 310 millions d'années.


18. La soie des araignées sert principalement à fabriquer des toiles pour piéger leurs proies.
 

FAUX. Les toiles sont généralement le premier usage de la soie d'araignée qui nous vient à l'esprit. Pourtant, beaucoup d'araignées ne tissent pas de toiles pour capturer leurs proies. Toutes les Mesothelae actuelles, la plupart des mygales et même certaines Aranéomorphes (certaines Lycosidae, Zodariidae et Sparassidae, par exemple) creusent des terriers, qui peuvent ou non être tapissés de soie et/ou dotés de fils d'alerte autour de l'entrée. De plus, chez les Aranéomorphes, beaucoup chassent en fait sans toile, en maraude ou à l'affût: sur les quelques 47000 espèces connues d'Aranéomorphes, plus de la moitié (un peu plus de 25000 espèces) chassent sans toiles! Même si les toiles sont les productions les plus connues des araignées, celles qui en tissent sont en fait minoritaires. Parmi les nombreux usages que les araignées font de leur soie (fils de rappel, loges de repos, toiles de capture, toiles spermatiques, cocons ovigères), le seul qui soit connu chez toutes les araignées est le cocon ovigère (voir factoid n°3).

Bien qu'elles soient les plus visibles, les araignées qui chassent à l'aide de toiles ne sont en fait pas une majorité.


19. Nous sous-estimons grandement l'abondance des araignées qui nous entourent, parce que nous ne remarquons généralement que les plus grosses.
 

VRAI. Eh oui: les araignées sont incroyablement nombreuses. Un seul mètre carré de champ cultivé en Europe en abrite en moyenne 80!
Cependant, celles-ci échappent généralement à notre perception, car la plupart sont très petites. Leur taille moyenne varie un peu en fonction de la latitude, du climat et de l'habitat, mais se situe à peu près partout dans les environs des 5 mm (3.8 mm en Irlande, 5.9 mm en Grèce). C'est aussi vrai pour les régions tempérées que pour les zones tropicales; sous les tropiques, on a tendance à trouver une plus grande diversité de grosses araignées, mais aussi une plus grande diversité de petites; la taille moyenne reste donc à peu près la même.
Les araignées que nous qualifions couramment de "petites", qui font dans les 5 mm, sont donc en fait plutôt moyennes. Les araignées "moyennes", d'une taille de l'ordre du centimètre, sont en fait déjà parmi les grandes araignées, et les "grosses" araignées de 15 mm et plus sont très grandes, et ne représentent qu'une très petite proportion de celles qui nous entourent. Nous ne remarquons donc que les plus grosses araignées, ce qui nous donne une idée très tronquée de leur abondance réelle. 

En Europe, les Linyphiidae sont la famille la plus diversifiée: elles sont extrêmement abondantes dans la plupart des milieux, mais généralement trop petites pour attirer l'attention de qui ne les cherche pas...

 

20. Les araignées peuvent voyager dans les airs sur des centaines, parfois des milliers de kilomètres. 

VRAI. Ce mode de déplacement, appelé "ballooning", est pratiqué par de nombreuses espèces d'araignées. Les plus petites peuvent pratiquer le ballooning toute leur vie, tandis que les espèces de plus grande taille ne le font qu'au tout début de leur existence. Pour s'envoler, l'araignée lâche un faisceau de fils dans les airs, qui agissent comme un parapente, tirés vers le haut par les courants ascendants et potentiellement par l'électricité statique. Elles volent ensuite de manière passive, portées par les courants atmosphériques (on les qualifie de "plancton aérien"), jusqu'au moment où des courants descendants les renvoient vers le sol. Elles peuvent ainsi parcourir des distances considérables: des araignées ont été vues retombant au milieu de l'Atlantique, à des milliers de kilomètres de toute terre!

Les fils de ballooning laissés par des milliers d'araignées qui décollent ou atterrissent ensemble peuvent occasionnellement recouvrir des champs entiers. On les appelle traditionnellement "fils de la Vierge" ou "cheveux d'ange"



Les références sont intégrées au texte; les mots
en vert sont cliquables et vous redirigeront vers les sources.

Les mots en vert et en gras sont cliquables et vous enverront vers un glossaire où ils sont définis. 

Sauf mention contraire (source entre parenthèses), je suis l'auteur des images illustrant ce blog, qui ne sont pas libres de droit





Commentaires