Spider Tales 12: La tégénaire des champs, histoire d'une erreur judiciaire

"Ce qu'ils veulent, ce n'est pas la vérité, voyez-vous, c'est la cohérence. Une erreur judiciaire est toujours un chef-d’œuvre de cohérence"
Daniel Pennac, Monsieur Malaussène (1995) 



 
En Europe, les tégénaires sont parmi les araignées les plus détestées des arachnophobes. Ceci dit, c'est plutôt leur taille, leur aspect sombre et velu, leur vitesse de course et leur tendance à fréquenter les habitations qu'on leur reproche; pas vraiment leurs morsures. A peu près tout le monde sait qu'elles ne sont pas dangereuses. 

Pourtant, en Amérique du Nord, une espèce de tégénaire a suscité une vaste psychose à l'échelle du continent entier. Elle a même figuré, aux côtés des veuves noires (Latrodectus sp.) et des recluses (Loxosceles sp.), parmi les desperados à huit pattes les plus redoutés des USA... A cause d'un simple délit de sale gueule.
Quand un crime mystérieux est commis dans une petite ville de l'Ouest, la vindicte populaire tombe vite sur l'étranger patibulaire et mal rasé qui squatte une grange tout au bout de la route...


Notre histoire commence au début du XXe siècle, probablement quelque part dans les années 1930. Une araignée venue d'Europe débarque sur la côte ouest des États Unis. Elle est vraisemblablement arrivée par bateau, dans un port du détroit de Puget (état de Washington), près de la frontière canadienne. C'est en tout cas là que les premiers spécimens seront observés. Cette araignée, c'est Eratigena agrestis, la tégénaire des champs. 

Eratigena agrestis

Eratigena agrestis est une grande tégénaire à pattes unies, en moyenne légèrement plus petite (jusqu'à 15 mm sans les pattes) et plus trapue que ses cousines les tégénaires noires (Eratigena gr. atrica). Sa coloration est aussi en moyenne plus claire: ses pattes sont brun jaune ou brun-gris à brun moyen (parfois noirâtres), et son céphalothorax clair orné de marques plus sombres. L'abdomen est marqué de motifs généralement moins nets que chez les espèces du groupe atrica (l'identification des différentes espèces de tégénaires n'est cependant pas facile pour les débutants, et aucun de ces critères ne permet vraiment une détermination certaine; l'examen à la loupe est souvent nécessaire). 

Généralement, Eratigena agrestis présente des pattes et un céphalothorax relativement pâles

Les tégénaires noires ou tégénaires géantes (Eratigena gr. atrica) sont en général un peu plus grandes, plus sombres et plus contrastées

La tégénaire des champs vit dans toute l'Europe, mais reste plus abondante dans le sud; on la trouve jusqu'en Asie centrale. Comme son nom l'indique, elle est moins synanthrope que ses cousines du groupe atrica: on la trouve assez peu dans les bâtiments, mais beaucoup plus fréquemment sous les pierres et les débris, en zone rurale ou en pleine nature. Ceci dit, en Amérique du Nord, l'espèce semble présenter une tendance un peu plus marquée à vivre près des humains qu'en Europe. 

Au cours du XXe siècle, la tégénaire des champs a poursuivi sa conquête de l'Ouest, étendant sa répartition aux états bordant le Washington, dans la province canadienne de Colombie Britannique, et dans les états de l'Oregon, de l'Idaho et du Montana aux Etats Unis. Au début des années 2000, sa distribution s'étendait jusqu'au Wyoming et au nord de l'Utah, avec des populations isolées au Colorado. Comme elle vit volontiers près des constructions, elle voyage avec les transports humains, ce qui lui a valu son nom commun de hobo spider, "araignée vagabonde". 

Le Canada et les Etats-Unis n'ont aucune espèce indigène de grande tégénaire qui fréquente les habitations. Eratigena duellica, une des trois espèces de tégénaires noires, s'était établie avant E. agrestis en Colombie Britannique, mais son aire de répartition est restée plus restreinte; seule la petite tégénaire domestique Tegenaria domestica était vraiment répandue sur le continent.
La présence de la tégénaire des champs ne passe donc pas inaperçue; et comme toute espèce animale nouvellement arrivée et quelque peu spectaculaire, elle ne fut pas accueillie sans une certaine méfiance.

Méfiance qui ne fit que s'accentuer quand un nouveau nom commun pour cette araignée fit son apparition: aggressive house spider, "araignée des maisons agressive". Ce nom, aux origines floues, est très probablement basé sur une erreur de traduction de son nom latin, agrestis, qui signifie "champêtre" ou "campagnarde", mais dont la sonorité ressemble à "aggressive". Un nom particulièrement mal choisi et désavoué par la communauté scientifique. Non seulement aucune araignée n'est agressive envers les humains (certaines peuvent être défensives ou réactives, mais aucune n'attaque sans provocation), mais en plus les tégénaires sont des animaux particulièrement craintifs et placides, qui réagissent face au danger par la fuite ou l'immobilité. La tégénaire des champs ne fait pas exception à cette règle; elle ne risque de mordre que si elle est écrasée contre la peau et, comme ses cousines, elle peine à perforer la peau humaine malgré la taille de ses chélicères. Il est en revanche très probable que les fausses idées inspirées par ce nom aient joué un rôle important dans la suite de notre histoire.

Face au danger, les tégénaires sont des araignées placides, et Eratigena agrestis ne fait pas exception à la règle

C'est dans la deuxième moitié du XXe siècle que les choses vont sérieusement se gâter pour Eratigena agrestis. A partir de 1957, les premiers rapprochements sont faits entre des lésions nécrotiques inexpliquées dans le sud des États-Unis et des morsures de recluse brune Loxosceles reclusa, sur la base de cas similaires dus à Loxosceles laeta en Amérique du Sud.
Le monde médical nord-américain se familiarise alors avec la notion d'aranéisme nécrotique, c'est-à-dire de nécrose de la peau due à une morsure d'araignée. Un peu comme en Europe occidentale depuis le début de la psychose autour de Loxosceles rufescens, ce diagnostic émergent se généralise ensuite rapidement, pour devenir une explication commode à toute lésion cutanée d'origine floue. Dès les années 1960, on commence à voir des cas de nécroses diagnostiquées comme des morsures de Loxosceles reclusa même quand aucune araignée n'a été vue, y compris hors de l'aire de répartition de l'espèce (présente uniquement dans le bassin du Mississippi, dans le sud-est des USA). Tandis que, depuis les années 2000, les arachnologues préconisent justement l'approche exactement opposée, le raisonnement derrière le diagnostic est alors généralement "sauf preuve du contraire, c'est une morsure d'araignée".

A l'apogée du phénomène, vers la fin des années 1980, beaucoup de lésions nécrotiques sont observées dans l'aire de répartition des différentes espèces de Loxosceles nord-américaines, et attribuées à celles-ci. Cependant, un grand nombre d'entre elles (puisque la plupart des nécroses cutanées, y compris parmi celles diagnostiquées comme des morsures, n'ont en fait rien à voir avec les araignées) sont également observées dans des zones où on ne rencontre aucune Loxosceles, comme le Canada ou le nord-ouest des USA. Évidemment, le scénario du transport accidentel (voir aparté en fin d'article) est largement invoqué, mais même les conjectures les plus délirantes à ce sujet n'expliquent pas le nombre de cas recensés. Les suspicions se portent alors sur une autre araignée très courante dans la région, et fréquemment observée dans le domicile des patients: Eratigena agrestis

Afin de "démontrer" la culpabilité de la tégénaire des champs, est appliquée la méthode considérée à l'époque comme standard: en laboratoire, on teste la morsure de l'araignée sur des lapins, et on compare avec les symptômes observés sur des patients suspectés d'avoir été mordus par des araignées. Bingo: dans une étude de 1987, menée sur 9 lapins, cinq d'entre eux, dont les quatre mordus par des araignées mâles, ont développé des lésions nécrotiques cutanées. 

Additionnés au fait que la tégénaire des champs soit "la grande araignée la plus fréquemment observée autour des habitations, et probablement présente dans toutes les constructions de certaines villes" dans le nord-ouest des USA, ces résultats expérimentaux ont suffi à la désigner comme probable coupable des lésions nécrotiques observées sur la côte Pacifique.
A partir de 1987, la littérature s'enrichit progressivement de rapports décrivant des cas d'ulcères cutanés imputés à la "hobo spider". Certains sont très sévères; un cas fatal est même reporté. Ceci dit, le diagnostic repose presque uniquement sur des preuves circonstancielles: l'aspect de la lésion, l'absence d'explications alternatives plus évidentes, et la présence de tégénaires dans le domicile de la victime ou à proximité.
Parfois, même des éléments aussi faibles que le simple fait d'avoir marché sur une toile et aperçu une grosse araignée brune à proximité de celle-ci, sans avoir senti quoi que ce soit, ont été considérés comme preuves suffisantes pour attribuer une lésion à Eratigena agrestis.

En fait, entre 1987 et 2004, un seul cas de morsure avérée (où l'araignée a été sentie en train de mordre et repérée immédiatement, conservée, puis identifiée comme Eratigena agrestis), est reporté, en 1992. Il s'agit d'une femme de 42 ans avec des antécédents de phlébite, mordue à la cheville, qui a développé, sur le cours de plusieurs mois, un ulcère cutané lié à une thrombose veineuse profonde.

Malgré leur minceur, ces preuves étaient largement vues comme suffisantes. Il faut dire qu'à l'époque, même au sein de la communauté scientifique, on pensait fermement qu'une morsure d'araignée pouvait être identifiée aisément par diagnostic différentiel. Même sans que la coupable ait été vue, malgré la large variété d'aspect des différentes lésions imputées à une même espèce, et les nombreuses autres causes possibles d'ulcères cutanés, l'absence d'explication alternative suffisait.
Ainsi, à partir de la fin des années 1980, Eratigena agrestis entre dans les manuels médicaux et les dossiers du CDC (le Center for Disease Control), comme une des espèces médicalement importantes de la faune nord-américaine, aux côtés des veuves noires et recluses brunes. Les années 1990 sont marquées par la peur de la hobo spider. Au cours de la seule année 1994, pas moins de 66 cas de nécroses ont été diagnostiqués comme des morsures de tégénaire des champs dans le nord-ouest des USA.

Cependant, avec tout ces cas qui s'accumulent, des suspicions commencent à s'élever dans la communauté scientifique à partir du début des années 2000. La rareté des cas où l'araignée a été vue en train de mordre, malgré le nombre de morsures dont elle est accusée, suscite de légitimes interrogations.
Étrange aussi, le fait que cette espèce venue d'Europe soit tenue responsable de centaines de morsures en Amérique du Nord, tandis qu'aucun cas n'est reporté de l'autre côté de l'Atlantique. D'autant plus étrange qu'en 2001, une étude comparative sur le venin de populations européennes et américaines d'Eratigena agrestis réfute l'hypothèse (farfelue) d'une mutation qui la rendrait plus dangereuse en Amérique: aucune différence notable n'est observée entre leurs venins.

Dans la même période, s'opère un tournant méthodologique majeur dans la recherche médicale sur les araignées, qui fait suite à une prise de conscience du nombre effarant de diagnostics erronés "d'aranéisme nécrotique" publiés dans la littérature, et des conséquences de ce phénomène. De ce fait, une importance nouvelle est donnée au concept de morsures vérifiées: les cas où l'araignée a été sentie et/ou vue en train de mordre (donc où sa culpabilité ne fait aucun doute), puis conservée et identifiée avec certitude par un arachnologue. 

En 1990, une vaste étude prospective menée au Brésil sur 515 morsures vérifiées d'araignée-loup (Lycosa erythrognatha), jusque-là accusée de nécroses, avait innocenté cette espèce: aucune nécrose, même minime, n'avait été observée. En 2003, c'est au tour des Lampona spp ("white-tailed spiders") d'Australie de se trouver également disculpées. En 2006, il est démontré que les Cheiracanthium, accusées de causer des nécroses en Amérique du Nord, en Europe et en Australie, n'ont elles non plus jamais été impliquées dans des cas de morsures nécrotiques vérifiées. Dans le cas de Lycosa erythrognatha comme dans celui des Cheiracanthium spp., la base des accusations était la même que pour la tégénaire des champs: des résultats d'expériences sur des lapins, comparés à des morsures suspectées. 

Cheiracanthium mildei, présente en Europe du Sud et en Amérique du Nord, a été accusée de causer des nécroses cutanées graves, accusation qui n'est basée sur aucune morsure vérifiée.

L'ennui, c'est que la seule et unique morsure nécrotique vérifiée d'Eratigena agrestis publiée dans la littérature ne donne finalement aucun renseignement: la lésion développée par la victime a été identifiée comme un ulcère veineux, ce qui, vu ses antécédents de phlébite, n'est pas forcément une conséquence du venin.
Quant à sa présence sur les lieux de chaque cas de nécrose qui lui est attribué, elle ne prouve pas grand-chose non plus. Comme mentionné à l'époque par l'auteur de ces recherches, il s'agit de la grande araignée la plus commune dans les construction du nord-ouest des USA. Il était même supposé qu'elle soit présente dans toutes les habitations de certaines villes comme Portland (Oregon). En deux mots: si on la cherche assez longtemps, on est sûr de la trouver.
En 2011, une investigation poussée sur les différentes manières dont la hobo spider pourrait causer des nécroses livre des résultats très intéressants: le potentiel  hémolytique (la capacité à détruire les globules rouges du sang) de son venin est quasi nul: alors que celui de Loxosceles reclusa, à dose identique, est de 37%, celui d'Eratigena agrestis n'est que de 0.62% pour les mâles et 0.93% chez les femelles. Le fait que le venin des femelles soit un peu plus cytotoxique que celui des mâles, un résultat également observé dans une étude antérieure, est d'ailleurs en directe contradiction avec ce qui avait été supposé suite aux tests sur les lapins. De plus, cette étude a également démontré que la morsure de cette araignée ne servait pas non plus de vecteur à des bactéries potentiellement capables de nécroser la peau.

Une tentative d'étude prospective, en 2014, sur les morsures vérifiées de tégénaire des champs en Oregon, est un échec partiel: sur 33 morsures d'araignées compilées, une seule, sans nécrose, était causée par Eratigena agrestis. Le caractère bénin de la seule morsure observée ne prouve malheureusement pas grand-chose: aucune espèce d'araignée connue ne cause des nécroses dans 100% des cas. En revanche, cette étude livre un résultat très important: la preuve que même dans la zone du pays où elle est particulièrement abondante, cette araignée n'est pas une cause fréquente de morsure.

Devant l'absence d'éléments attestant de la capacité de cette araignée à causer des nécroses cutanées chez l'humain, et l'accumulation de preuves suggérant le contraire, l'idée que la hobo spider soit une espèce dangereuse a progressivement été abandonnée. En 2015, le CDC l'a retirée de la liste des espèces médicalement importantes d'Amérique du Nord, et la plupart des sources, y compris des sites d'entreprises de désinsectisation, ont cessé de relayer ce qui est aujourd'hui considéré comme un mythe médical. Cependant, il reste évidemment des sites peu sérieux qui continuent d'affirmer, contre l'avis des scientifiques, la dangerosité de cette espèce...



Aparté: l'hypothèse du transport accidentel, un scénario plausible? 

Il est fréquent que des lésions cutanées, particulièrement les cas graves, soit imputées à certaines araignées comme les "recluses" (Loxosceles spp.), dans des zones où elles sont complètement absentes, tels le Canada ou la Belgique, et ce sans qu'aucun spécimen ne soit observé par le patient ou les soignants. Même si une erreur de diagnostic reste, de loin, l'explication la plus évidente, de telles affirmations continuent de se présenter. Pourtant, la communauté scientifique insiste depuis près de 20 ans sur le fait que seule l'observation de l'araignée permet l'identification positive d'une morsure.

Une explication presque toujours donnée par les personnes ou les médias qui relaient ce diagnostic farfelu est la possibilité qu'une araignée exotique ait pu voyager, dans des bagages ou des marchandises, et mordre quelqu'un à son arrivée. Ce scénario de film d'horreur a l'avantage d'être cohérent et séduisant, surtout pour les journaux, pour qui une telle histoire est un scoop nettement plus alléchant qu'une "banale" infection résistante aux antibiotiques. Cette explication est pourtant très improbable.

Certes, les araignées voyagent fréquemment, et souvent sur de longues distances, de cette façon; Eratigena agrestis en est un bon exemple.
C'est plutôt l'idée de l'araignée dont la première action, à son arrivée, serait d'aller gaspiller son précieux venin dans une morsure sur un humain, qui est fantaisiste. Les morsures d'araignées sont des évènements rares, même à l'intérieur de l'aire de répartition des espèces concernées. Un exemple particulièrement parlant est celui du domicile d'une habitante du Kansas, qui, sur une période d'échantillonnage de 6 mois, a livré 2055 spécimens de Loxosceles reclusa! Pourtant, l'occupante de la maison n'a jamais été mordue... 

Un autre cas édifiant est celui de Loxosceles laeta, une espèce médicalement importante originaire d'Amérique du Sud, importée accidentellement et établie depuis 1972 dans les locaux du Département de Zoologie de l'Université d'Helsinki, en Finlande. Malgré une densité de population s'élevant à plusieurs dizaines d'individus dans certaines pièces des locaux, aucun cas de morsure n'a été reporté dans les cinquante ans de présence de cette espèce sur le sol finlandais.
Même quand on côtoie des "recluses" chez soi, le risque de subir une morsure un jour reste très faible. Cela veut dire que pour que l'on commence à observer des cas de morsures dans une région donnée, il faut une population d'araignées bien établie, dense et abondante; et même dans ce cas, les morsures resteront très rares et anecdotiques.

Évidemment, cela n'exclut pas la possibilité, si faible soit-elle, que ce scénario de morsure suite à un transport accidentel ait pu réellement se produire une fois ou deux. Cependant, il ne constitue absolument pas une explication satisfaisante aux "morsures" suspectées d'araignées hors de leur aire de répartition. En l'absence de preuves directes, il ne devrait donc jamais être envisagé comme une hypothèse réaliste.



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Sauf mention contraire (source entre parenthèses), je suis l'auteur des images illustrant ce blog, qui ne sont pas libres de droit


Commentaires

  1. Comme les précédentes, cette publication est aussi agréable à lire que rigoureuse dans l'argumentaire développé. C'est du très bon travail Benjamin! Un réel talent littéraire mis au service de l'écriture scientifique permet au lecteur de voyager d'un continent à l'autre!
    Aussi prenant par endroit qu'une nouvelle littéraire de belle facture! BRAVO

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