Il n'y a pas qu'en biologie que l'on trouve des vocabulaires hermétiques. Ce troisième glossaire regroupe les termes techniques appartenant au langage de l'information et de son traitement, de la communication, des médias et d'Internet, indispensables lorsque l'on travaille à combattre des mythes. La plupart de ces termes ont une origine très récente, souvent spécifique à l'univers d'Internet, beaucoup sont des mots anglais (qui ont fréquemment une traduction française beaucoup moins usitée), et une bonne partie d'entre eux n'est pas dans le dictionnaire. Ce langage peut donc être particulièrement opaque pour le non-initié, d'où l'intérêt d'un glossaire qui lui est consacré.
Autant que possible, ces définitions seront accompagnées d'exemples en rapport avec les araignées ou la zoologie, histoire de rester dans le sujet.
Les mots en vert et en gras dans les articles vous renvoient au glossaire où ils sont définis. Quand un mot est en gras dans le texte d'une définition, c'est qu'il est défini ailleurs dans le glossaire.
A.
Anthropocentrisme (dans un contexte de sciences de la vie et de la terre): Biais de raisonnement qui nous fait voir le monde vivant en prenant l'espèce humaine comme référence. L'anthropocentrisme pousse à définir comme normal ce qui nous ressemble, et à considérer ce qui diffère de nous comme une déviation à cette norme, en oubliant à quel point nous sommes peu représentatifs de la diversité du vivant. Cela joue aussi un rôle important dans l'empathie pour les autres espèces, en nous faisant voir certains traits physiques comme mignons ou attrayants, tandis que d'autres nous inspirent au contraire le dégout, la peur et la répulsion. Il est la raison pour laquelle la souffrance du petit oiseau nous émeut, celle du criquet beaucoup moins.
L'anthropocentrisme est un problème éthique, scientifique et philosophique majeur en matière de conservation du vivant, où celui-ci va causer de fortes inégalités, d'une espèce à l'autre, dans les mesures et les moyens mis en œuvre pour les protéger, en fonction de critères aussi arbitraires que leur capital sympathie, ou d'une "utilité" perçue qui n'est que le bénéfice direct et immédiat que les humains tirent de leur existence (tandis que des espèces tout aussi, sinon plus, menacées, sont privées de la protection dont elles ont besoin à cause d'une perception négative par le grand public, qui les ignore voire les persécute en dépit du risque d'extinction).
Exemple: Nous avons quatre membres et deux paupières à chaque œil, ce qui nous pousse inconsciemment à considérer comme "bizarres" les animaux qui divergent de cette "norme". Pourtant, l'immense majorité des animaux dotés de pattes en ont plus de quatre, et la plupart des tétrapodes dotés de paupières (oiseaux, crocodiliens, lézards, amphibiens, et de nombreux mammifères) n'en ont pas deux, mais trois (deux paupières + une membrane nictitante, réduite à un vestige chez les Primates). S'il fallait définir des cas "normaux" et "anormaux" (ce qui n'a de toute façon pas beaucoup de sens) pour ces deux caractéristiques, nous ferions donc partie de l'anomalie plutôt que de la norme.
Anthropomorphisme: La tendance à projeter des émotions, intentions, aspirations, raisonnements, valeurs morales et sentiments humains sur une espèce non humaine, et à interpréter les comportements animaux en les amalgamant aux nôtres. Cette comparaison est occasionnellement pertinente (particulièrement pour les espèces proches de nous), mais elle est généralement abusive; plus une espèce est éloignée et différente de nous, plus l'anthropomorphisme risque d'être facteur d'erreurs d'interprétation.
Exemple: Il n'est pas rare que les arachnophobes qualifient les araignées de "sournoises". Ces personnes voient leur capacité à passer soudainement d'une immobilité totale à une course frénétique, ou leur tendance à se dissimuler dans les recoins sombres, comme une volonté de surprendre et d'effrayer. Il peut même arriver que ces personnes craignent une "vengeance" d'une araignée qu'ils pensent avoir "offensé" en essayant de la tuer ou en la dérangeant accidentellement. C'est une lecture anthropomorphique de leur comportement, fortement teintée d'angoisse, et bien sûr complètement abusive. L'attitude des araignées vis-à-vis des humains est neutre, nous ne sommes ni leurs proies ni leurs prédateurs; elles n'interagissent pas avec nous, sauf quand on les dérange, et la colère ou le ressentiment sont des émotions humaines, qui ne font pas partie de leur univers cognitif. Bien sûr, ces arachnophobes en sont parfaitement conscients, mais il reste difficile, quand on est face à ce qui nous terrorise, de penser de manière rationnelle...
Appel à l'exotisme (argumentum ad exoticum): argument fallacieux qui présente le fait qu'un produit, concept ou comportement provienne (réellement ou prétendument) d'horizons lointains comme une preuve suffisante et intuitive de son bien-fondé. L'appel à l'exotisme joue principalement sur notre néophilie (notre tendance à trouver excitant et attractif tout ce qui est nouveau et inconnu) et sur les stéréotypes que nous entretenons à l'égard d'autres cultures (par exemple l'image de sagesse associée, en Occident, aux cultures d'Asie Orientale). Il joue aussi sur le fait que plus la région évoquée est distante et difficile d'accès, moins il y a de chances que votre interlocuteur la connaisse bien et puisse vous contredire si vous vous permettez une affabulation...
L'appel à l'exotisme est très souvent utilisé en combinaison avec l'appel à la tradition (une "technique Chinoise ancestrale") et/ou avec l'appel à la nature (par exemple en présentant comme "restée plus connectée à la nature que nous" une culture à laquelle on empreinte, réellement ou prétendument, l'élément que l'on cherche à promouvoir, pour faire passer celui-ci comme plus sain et "naturel" que son alternative occidentale).
Exemple: La marque de couteaux Huusk Japan, connue pour sa stratégie publicitaire très insistante sur les réseaux sociaux, emploie un marketing insistant lourdement sur l'appel à l'exotisme (et à la tradition). Tout, dans le marketing, exploite sans vergogne l'image du savoir-faire coutelier japonais: du nom de la marque, qui contient le mot "Japan", à sa magnifique boîte épurée et décorée de signes Kanji, en passant par leur site qui vante des méthodes de fabrication "remontant au japon du XVIIIe siècle" et fait référence aux techniques de forge des katanas, allant même jusqu'à prétendre que la lame est en "acier Japonais au carbone". La page d'accueil de leur site internet mentionne les mots
"Japan/Japanese" quatre fois, "traditional" trois fois,
"handcrafted/hand-forged" (fait/forgé à la main) trois fois. Tout (sauf le prix) pousse à imaginer un outil de haute qualité, presque artisanal, fabriqué au Japon selon un savoir-faire ancestral.
En réalité, ce n'est que poudre aux yeux: les couteaux Huusk "Japan" (une compagnie non pas Japonaise, mais Lituanienne!) ne sont pas fabriqués au Japon,
mais produits en masse en Chine. Ils sont constitués, non pas, comme le
vante leur site, "d'acier Japonais au carbone forgé et plié 10 fois
comme un katana", mais d'un simple acier inox 18/10 comme celui qui
compose les casseroles et couverts de table, trop mou pour garantir un
tranchant durable à l'usage et un affûtage facile.
Appel à la nature (argumentum ad naturam): argument
fallacieux qui fait appel au caractère "naturel" (avec tout ce que cette
notion a de plus vague) d'un produit, comportement ou concept comme preuve suffisante de sa supériorité sur des alternatives "artificielles" ou même
"contre-nature" (ou, au contraire, présente son aspect "artificiel"
comme une raison suffisante de le rejeter).
Il est similaire à l'appel à la tradition et est souvent utilisé en association avec celui-ci.
Avec
la volonté de tendre vers un mode de vie plus "reconnecté à la nature"
que l'on retrouve chez une large portion de la population, l'appel à la
nature est devenu un argument marketing omniprésent, souvent,
malheureusement, pour vendre des produits qui ne sont ni beaucoup plus
sains, ni beaucoup plus écologiques que des produits non markettés
"verts".
Exemple: Un pesticide dont je vanterais l'aspect
"naturel", en mettant en avant le fait qu'il soit composé à 100%
d'extraits végétaux (on peut même aller jusqu'à n'y inclure que des
extraits de végétaux issus de l'agriculture biologique) paraîtra
d'instinct plus sain, moins dangereux et "moins toxique" au consommateur.
Pourtant, la strychnine, la nicotine ou encore le sinistre cyanure
d'hydrogène, hautement toxiques et très dangereux pour les vertébrés (ainsi que pour les
insectes, dans le cas de la nicotine), sont... des extraits végétaux (la
strychnine provient de la plante Strychnos nux-vomica, la nicotine du tabac, et le cyanure d'hydrogène se retrouve, par exemple, dans les amandes amères ou les feuilles de manioc crues). Avec des quantités suffisantes de ces quatre plantes, je pourrais aisément, et par des procédés simples et artisanaux, fabriquer un effroyable bouillon de sorcière, très dangereux pour son utilisateur comme pour l'environnement, mais 100% "naturel"!
Appel à la tradition (argument d'historicité, d'ancienneté, ou argumentum ad antiquitatem): argument fallacieux où l'on présente l'ancienneté et/ou le caractère traditionnel d'une idée, d'une croyance, d'une pratique, d'un produit, comme une preuve suffisante de sa véracité ou de son efficacité, ou du moins de sa supériorité sur une alternative plus "moderne", qui "n'a pas encore fait ses preuves".
On peut plus ou moins le résumer par "On a toujours fait comme ça, c'est bien la preuve que ça marche!".
Exemple: divers sites internet vantent les astuces "naturelles" à base de marrons d'Inde, lavande, menthe poivrée ou autres plantes pour éloigner les araignées. Ces sites ne donnent aucune explication ou référence justifiant leurs dires, affirmant seulement que nos grand-mères ne juraient que par ces méthodes. Le caractère "traditionnel" de ces astuces (qui ne fonctionnent pas) est présenté comme une preuve suffisante de leur efficacité, qui se passerait d'explications: c'est un parfait exemple d'appel à la tradition.
Argument d'autorité: Manœuvre rhétorique (généralement fallacieuse) qui consiste à utiliser sa position, ses titres et/ou ses diplômes, ou ceux d'un tiers que l'on cite comme source, comme justification unique de son opinion: il vise à convaincre l'auditoire que la personne qui émet cet avis est assez crédible pour être crue sur parole, sans avoir à prouver quoi que ce soit.
Même s'il peut occasionnellement être pertinent (l'avis d'un expert sur sa spécialité a plus de chances d'être pertinent que celui d'un individu lambda), il est très souvent employé pour chercher à appuyer une opinion marginale, non argumentée, non sourcée ou non prouvée (et/ou mise en doute par la majorité des experts du domaine), et/ou pour s'exprimer de manière péremptoire sur un sujet qui se situe en fait hors du domaine d'expertise de la figure d'autorité en question.
Exemple: "Et Einstein, le grand Einstein, a calculé que si toutes les abeilles du monde étaient exterminées, il ne faudrait pas plus de quatre ans à l'Homme pour disparaître du globe." Article d'Alin Caillas dans "Abeilles et fleurs" de Juin 1965, citant un article de Pierre Pascaud dans "la Vie des bêtes et l'ami des bêtes" (1965).
L'article de Pierre Pascaud, paru dix ans après la mort d'Albert Einstein, est la première occurrence connue de cette citation (largement reprise et diffusée sur les réseaux sociaux) attribuée au grand physicien.
Il n'existe aucune preuve qu'Einstein ait prononcé cette phrase, effectué un tel calcul, ou même qu'il se soit un jour intéressé aux abeilles.
Bien qu'il n'ait été ni entomologiste ni écologue, attribuer cette affirmation à Einstein donne à celle-ci un fort argument d'autorité: il est l'une des figures les plus fréquemment associées à l'image de la science et du génie intellectuel dans l'imaginaire collectif, d'où l'énorme succès de cette pseudo-citation (bien plus grand, même, que si elle avait émané d'un entomologiste, mieux qualifié mais moins célèbre).
Il ne s'agit d'ailleurs pas d'un cas isolé; Albert Einstein est la personnalité scientifique à qui le plus de citations, la plupart sans rapport avec la physique, sont faussement attribuées.
"Si tu as une belle phrase en tête mais que tu veux te donner l'air encore plus intelligent, dis juste qu'elle est d'Albert Einstein" (source: Reddit, auteur original inconnu) |
B.
Biais cognitifs: Cheminements involontaires de pensée intervenant lors du traitement de l'information par le cerveau, qui altèrent notre compréhension et notre mémorisation de celle-ci, notre impartialité dans le jugement, et nos prises de décision, en faisant des raccourcis non pertinents. Ces biais proviennent de processus de pensée rapide (heuristiques), qui rendent service dans beaucoup de situations en facilitant des associations d'idées, des prises de décisions et des réactions rapides, mais qui deviennent des obstacles dans un contexte de pensée critique, analytique et rationnelle. Les biais cognitifs se renforcent mutuellement et se combinent facilement. En situation réelle, il est rare qu'une erreur d'interprétation ou de raisonnement ne soit due qu'à un seul d'entre eux; un exemple peut donc mettre en jeu plusieurs biais.
Voir en annexe (en bas du glossaire): liste des biais cognitifs les plus courants
Brandolini (loi de) (parfois surnommé "bullshit asymmetry principle", en français "principe d'asymétrie du baratin"): Principe formulé en 2013 par le programmeur Alberto Brandolini (et par d'autres avant lui), énonçant que la quantité d'énergie et de temps nécessaire pour réfuter une information fausse mais frappante sera forcément beaucoup plus importante que celle mobilisée pour diffuser ladite information. En d'autres termes, une information fausse mais frappante aura toujours beaucoup plus d'impact et de portée que son démenti.
Bullshit: En anglais, cette expression (sens littéral: "merde de taureau") sert à désigner un tissu de mensonges ou d'inepties.
En français, cette expression est aussi utilisée, mais avec un sens beaucoup plus spécifique: on parle de bullshit pour désigner une technique rhétorique fallacieuse, où l'on utilise un baratin pseudo-savant, avec un langage très technique et des formules ronflantes et alambiquées, pour donner un faux air de scientificité et de pertinence à des propos douteux, voire complètement ineptes.
La manœuvre vise à perdre et impressionner son auditoire, en donnant l'impression que l'on manipule des concepts éminemment complexes qui sont absolument hors de sa portée.
Le but est de mettre un maximum de distance entre soi et son auditeur, créant chez lui un sentiment d'anxiété et d'infériorité, qu'il cherchera à surmonter en adhérant aveuglément au propos pour faire semblant de l'avoir compris (c'est en quelque sorte l'exact contraire de la vulgarisation scientifique!).
Si grossière qu'elle puisse paraître, c'est une technique de charlatanisme très courante et très efficace, tant qu'elle est utilisée et dosée avec suffisamment de finesse.
Pour une personne qui ne serait pas familière avec le domaine disciplinaire sur lequel s'exprime la personne qui fait du bullshit, celui-ci peut être difficile à différencier de la nécessaire complexité liée à un sujet hautement technique (qui fait appel à des concepts impossibles à résumer de manière brève et simple). Cependant, le fait que la personne ne fasse aucun effort pour vulgariser son propos quand elle s'adresse à un public non qualifié, et l'emploi excessif de jargon inutilement compliqué pour parler de concepts qui peuvent être résumés de manière simple et brève, sont de bons indicateurs de bullshit. Enfin, si l'on n'a pas soi-même une connaissance suffisante du sujet pour détecter le bullshit potentiel, il est toujours utile d'aller chercher comment cette personne et ses opinions sont perçues par ses pairs (les conflits entre chercheurs existent, mais un individu désavoué et critiqué par l'ensemble, ou par la majorité, de la communauté scientifique du domaine, l'est rarement pour de mauvaises raisons...).
Exemple (fictif): "Des études ex-situ récemment publiées en preprint démontrent que les oscillations électromagnétiques émises par les dispositifs de recalorification alimentaire causent une dépolarisation thermoélectronique du champ quantique α des molécules de sphingomyéline du néocortex rétrofrontal; il est donc non seulement envisageable, mais même quasi-certain, que les fours à micro-ondes présentent un danger à long terme pour le cerveau humain."
Cet énoncé n'a absolument aucun sens; il ne s'agit que de bullshit pur, dont le seul objectif est de déguiser des inepties en jargon scientifique. Le but est de créer l'illusion que quelqu'un qui manie un tel langage ne peut qu'être très savant et intelligent, et qu'il serait vain et présomptueux de mettre en doute ses dires. La complexité apparente de l'énoncé contraste avec la simplicité frappante et alarmiste de la conclusion, donnant l'impression que celle-ci est fondée sur un socle scientifique solide, mais hors de portée du commun des mortels.
Buzz: Diffusion extrêmement rapide et de très grande ampleur (diffusion virale) d'un contenu ou d'une information, souvent due à son caractère frappant. On trouve parfois les formules "médias à buzz", "info-buzz" ou "science-buzz" pour désigner les médias qui cherchent à susciter ce buzz en diffusant des informations sensationnelles, souvent au prix de l'exactitude, voire de la véracité, de celles-ci. Le but principal des médias à buzz est de divertir et d'attirer l'attention, pas vraiment d'informer. Ils ne sont donc pas à prendre comme une source d'informations car ils délivrent beaucoup de factoids et d'approximations abusives.
Exemples de médias "à buzz": Trash, Topito, Lama faché.
Exemples de médias de "science buzz": maxisciences, Geo, certains programmes diffusés par des chaînes documentaires comme Animal Planet ou Nat Geo Wild.
C.
Canular: Objet, image, vidéo, texte ou autre contenu fabriqué de toutes pièces dans l'intention de tromper, et présenté comme authentique par ses créateurs. Le canular peut être fabriqué dans un but humoristique, stratégique (propagande), commercial (dans le cadre d'une campagne de marketing viral), pour manipuler l'opinion, ridiculiser un média ou une personne, démontrer l'incompétence d'un charlatan, ou simplement attirer l'attention et "faire le buzz". En français, on a tendance à parler de hoax pour désigner spécifiquement les canulars apparus et diffusés sur Internet. Synonyme: fake.
Exemple: la "photographie du chirurgien" (The Surgeon's photograph), vendue par le Dr. Robert Kenneth Wilson au Daily Mail, qui la publia le 21 avril 1934. La photo, en noir et blanc, montre une forme étrange, rappelant un animal au long cou, à la surface d'une étendue d'eau. Cette image fut la première, et la plus célèbre "preuve" photographique de l'existence du monstre du Loch Ness. Pendant 60 ans, elle est restée l'une des plus difficiles à expliquer (l'image ne montre aucun trucage évident, la forme de "l'animal" est nette et ne ressemble à rien de connu), même si des doutes ont été émis au sujet de la taille réelle de l'objet. Ce n'est qu'en 1994 que la photo fut révélée comme un canular par l'un de ses auteurs, Christian Spurling. Il avoua que la supercherie avait été montée avec le Dr. Wilson et Marmaduke Wetherell, beau-père de Spurling, ancien chasseur de grand gibier et journaliste pour le Daily Mail, sur une idée de ce dernier. L'objet avait été fabriqué avec une maquette sculptée, montée sur un sous-marin jouet lesté, et photographié dans le Loch Ness. L'image vendue au journal était fortement recadrée, pour faire apparaître le "monstre" bien plus grand qu'il n'était. Le canular avait été monté par Wetherell pour se venger du Daily Mail, auprès duquel il s'était ridiculisé suite à l'échec d'un autre canular de sa fabrication, où il avait tenté de faire passer une image d'empreintes d'hippopotame photographiées en Afrique pour des traces de "Nessie".
Pour plus d'exemples historiques de canulars: The Museum of Hoaxes (site en anglais)
La "photographie du chirurgien", publiée en 1934 par le Daily Mail, fut exposée comme un canular par un de ses auteurs, en 1994 (source image) |
CGI (Computer Generated Images): Image de synthèse fabriquée à l'aide d'un ordinateur.
Clickbait:
(littéralement "appât à clic") Titre accrocheur, sensationnel voire
mensonger, parfois associé à une image elle aussi frappante (souvent retouchée, truquée ou hors contexte), d'un
contenu (vidéo ou article) à l'intérêt réel très inférieur à ce que
laisse imaginer son titre. Le clickbait vise à attirer la curiosité et
l'attention des internautes pour les inciter à cliquer. C'est un procédé très fréquemment utilisé pour générer des vues
sur Youtube et par les tabloïds en ligne, mais aussi dans la publicité et la diffusion d'arnaques et de liens vérolés. En
français, on trouve souvent la traduction informelle "putaclic". Malheureusement, le clickbait est aujourd'hui également pratiqué par la majorité des journaux gratuits, plus forcément réservé aux tabloids.
Consensus scientifique: Opinion sur laquelle la majorité, voire la totalité, de la communauté scientifique d'un domaine, est tombée d'accord, suite à des tests répétés et indépendants ayant mené unanimement aux mêmes conclusions. Jusqu'à ce qu'il soit éventuellement réfuté (et évidemment, plus le nombre de tests indépendants menant à la même conclusion est grand, plus il devient improbable que cela se produise un jour), le consensus est considéré comme vérité scientifique.
L'évolution du vivant, le réchauffement climatique actuel et le rôle de l'activité humaine dans celui-ci, ou encore la tectonique des plaques, sont des exemples de consensus scientifiques, qui n'ont actuellement pas été scientifiquement réfutés (pas par des méthodes non biaisées, testables et reproductibles, en tout cas) malgré de très nombreux tests indépendants, et ont même, au contraire, été consolidés par la découverte de très nombreux éléments les confirmant.
Exemple: En psychologie, l'effet Dunning-Kruger ne fait actuellement pas consensus; les tests indépendants de celui-ci, menés ultérieurement, ne sont pas tous parvenus à des conclusions similaires à celles de Dunning & Kruger.
Creepypasta:
Mot-valise constitué des mots anglais "creepy" (angoissant, dérangeant) et "copypasta" (copy/paste, copier/coller). Type particulier de mème internet à teneur
et vocation anxiogène ou dérangeante. A l'origine, un creepypasta est un copypasta, un court morceau de texte diffusé par copié/collé (d'où son nom), mais la définition du terme s'est étendue à d'autres types de contenu, comme des images, des enregistrements sonores ou des extraits vidéo.
Sur internet, les légendes urbaines prennent souvent la forme d'un creepypasta.
D.
Debunking (débunkage): Réfutation publique d'informations fausses diffusées publiquement, par la présentation de preuves de leur inexactitude.
Désinformation (fake news):
Diffusion volontaire d'informations fabriquées, tronquées ou déformées,
présentées comme authentiques par des sources qui les savent fausses, et les
diffusent sciemment, dans le but de tromper ou de manipuler l'opinion. La
désinformation peut s'inscrire dans une stratégie politique ou militaire
(propagande, contre-espionnage) ou, dans une forme beaucoup plus
triviale, simplement servir à attirer l'attention et/ou le gain
financier (articles de tabloids créés de toutes pièces, marketing viral,
canulars, documenteurs, arnaques...). La désinformation se distingue de la
mésinformation par sa dimension volontaire.
Exemple: bien que la tégénaire des champs (Eratigena agrestis) ne soit plus reconnue par le CDC (le Center for Disease Control) comme une espèce médicalement importante, et que le consensus scientifique actuel considère comme infondée l'hypothèse d'un venin nécrosant chez cette espèce, certaines entreprises de désinsectisation américaines continuent d'affirmer qu'elle est dangereuse, et de conseiller aux gens de faire appel à eux ou à leurs produits pour s'en débarrasser. Ces professionnels sont bien conscients que l'information qu'ils diffusent est démontrée comme fausse, mais entretiennent tout de même la peur, à des fins de profit: il s'agit de désinformation.
Dissonance cognitive: État de tension et d'inconfort profond dans lequel on peut se trouver lorsque des éléments de sa cognition (pensées, stimuli, observations, opinions, habitudes, idées, croyances, comportements...) se trouvent en conflit les uns avec les autres.
Les cas où des croyances, souvenirs, valeurs, habitudes ou comportements fortement enracinés, et qui représentent des repères importants dans l'univers cognitif d'une personne, sont remis en question par des preuves concrètes de leur invalidité, suscitent très souvent la dissonance cognitive.
Il est fréquent que cet état provoque, au moins dans un premier temps, une réaction vive, défensive, et un rejet de l'élément nouveau.
La dissonance cognitive met en jeu nombre de biais cognitifs, mais n'en est pas un à proprement parler.
Exemple: Chez certaines personnes, les croyances fausses au sujet des araignées (comme les pontes sous la peau ou les morsures non provoquées pendant la nuit) sont très profondément ancrées, parce qu'elles ont été transmises par une personne de confiance dont il est émotionnellement coûteux de remettre l'avis en question (parent, ami, médecin de famille...), parce qu'elles servent de socle à une peur importante qui rythme leur quotidien et altère fortement leur comportement, et/ou parce qu'elles découlent de souvenirs mal interprétés mais traumatisants.
Ainsi, tout arachnologue communiquant sur ces mythes a déjà été confronté.e à une ou plusieurs personnes défendant avec véhémence (parfois même avec agressivité) leur véracité. L'argumentaire de ces personnes est très émotionnel, passant généralement par un refus en bloc de tous les éléments avancés par l'expert.e, la mise en doute de sa compétence, et des attaques ad personam.
"L'attaque", par l'arachnologue, de ces croyances solidement enracinées, repères cognitifs importants, provoque chez le sujet concerné une dissonance cognitive difficile à supporter, presque subie comme un affront personnel. Pour se préserver d'une profonde remise en question potentiellement éprouvante, son premier réflexe est donc une réaction défensive violente.
(n.d.l.a.: Parmi les personnes arachnophobes que j'ai pu rencontrer, cette catégorie ne représente qu'une minorité.)
Docudrama: Programme documentaire qui recrée des évènements réels, mais d'une manière scénarisée et dramatisée. Comme le docufiction
avec lequel il est très fréquemment confondu (la différence n'est pas très nette, et assez arbitraire), le docudrama a pour
objectif d'informer en divertissant, mais restreint sa part de fiction à la proportion strictement nécessaire au réalisme
et à la fluidité de la narration. Le docudrama peut toutefois être source de mésinformation si la part spéculative y est trop importante et/ou si la distinction entre éléments factuels et fictionnels n'est pas assez explicite.
Exemple: Le docudrama Sur la Terre des Dinosaures (Walking with Dinosaurs), réalisé par Tim Haines et Jasper James, diffusé par la BBC en 1999. Des espèces fossiles, reconstituées en CGI et
animatroniques, y sont présentées à la manière d'un documentaire
animalier, vivant, se comportant et interagissant comme le feraient des
animaux actuels. Malgré une part importante de nécessaire spéculation et
beaucoup de libertés prises par rapport à la réalité paléontologique,
cette série à grand succès a énormément contribué à familiariser le
public avec les avancées majeures de la fin du XXe siècle dans la
connaissance de la biologie des dinosaures et des autres animaux qui les côtoyaient.
Sur la Terre des Dinosaures (Walking with Dinosaurs), un docudrama distribué
par la BBC en 1999. (source image) |
Docufiction: Programme documentaire, ou reprenant les codes d'un documentaire, qui contient un mélange d'éléments fictionnels et factuels. Il contient une plus grande part de fiction que le docudrama, sans être entièrement fictionnel comme le documenteur.
Exemple: La mini-série Les Monstres du fond des mers (Sea Monsters) créée par Tim Haines, distribuée par la BBC en 2003, met en scène le présentateur Nigel Marven, qui voyage dans les temps géologiques à la recherche d'animaux marins disparus. Cette série s'apparente plus à un docufiction qu'à un docudrama, dans la mesure où elle est très scénarisée et met en scène de nombreux éléments fictionnels (voyages dans le temps, interactions entre le présentateur et les animaux), mais le ton reste éducatif et les espèces présentées sont réelles (même si certaines sont affublées de caractéristiques très largement, ou presque totalement, spéculatives).
Documenteur, fauxcumentaire ou Mockumentaire (mockumentary): Œuvre
de fiction qui reprend les codes d'un documentaire. Le documenteur est
un faux documentaire, qui ne contient que des éléments fictifs, ou qui
s'inspire de faits réels mais en donne une interprétation farfelue,
basée sur des preuves fabriquées de toutes pièces. Grâce à sa
réalisation qui imite un vrai documentaire, le faux documentaire est
souvent crédible et immersif. Il est donc logiquement très représenté dans le cinéma
horrifique, particulièrement en format "found footage" filmé à la première personne (comme The Troll Hunter, Cloverfield, REC, Le Projet Blair Witch...). Le divertissement est la seule et unique vocation de ce type de programme, mais il peut être source de mésinformation si son caractère fictionnel n'est pas suffisamment explicite, voire de désinformation
si le média qui le distribue le fait passer pour authentique. La définition de "documenteur"est parfois distinguée des faux documentaires explicitement fictifs, pour ne désigner que cette dernière catégorie de canulars en forme de documentaires, fabriqués de toutes pièces mais présentés comme authentiques.
Exemple: Le documenteur Mermaids: the Body Found, diffusé sur la chaîne américaine Animal Planet puis sur sa chaîne-sœur Discovery Channel en 2012, présente l'existence des sirènes comme une réalité que des agences gouvernementales comme la NOAA
chercheraient à dissimuler. Ce programme a été vivement critiqué car
son ton très sérieux, le manque de transparence sur son caractère 100% fictionnel
(mentionné pendant un court instant en petites lettres au générique de
fin) et sa diffusion sur une chaîne proposant surtout des documentaires, ont trompé une grande partie du public et nourri des théories du complot
sur la NOAA (comme quoi cette agence mentirait également
sur la réalité du changement climatique, par exemple). A cause du
boom d'audience généré par ce canular déguisé en documentaire, la chaîne a récidivé dans les années suivantes
avec d'autres programmes mensongers, dont un prétendant que le requin
fossile Otodus megalodon existerait encore, un qui attribue un
accident de ferry au large de l'Afrique du Sud à un requin géant, et un second épisode sur les sirènes.
Affiche du documenteur Mermaids: the body found (2012) |
Dunning-Kruger (effet): Biais cognitif qui déforme la perception de notre compétence dans un domaine donné au cours de la découverte de celui-ci. Au fil de la courbe d'apprentissage, à partir du zéro (ignorance totale sur le sujet) jusqu'au moment (généralement après des années d'apprentissage, de pratique et d'exprience) où on peut être considéré comme un expert, notre perception de notre niveau de compétence évolue d'une manière qui n'est pas proportionnelle à notre degré de connaissance réel du domaine.
Au début de l'apprentissage, dans la phase de découverte, on progresse extrêmement vite et à partir de rien, et on ne mesure pas encore bien l'étendue (ni, surtout, les limites) de ses connaissances. La quantité de savoir engrangé en un temps court, et l'énorme progression par rapport au point de départ, mènent à surestimer la profondeur de sa maîtrise du sujet, et à sous-évaluer ce qui reste à apprendre pour pouvoir être considéré comme un expert. Au contraire, les individus plus expérimentés, qui le connaissent mieux, et se sont trouvés plusieurs fois confrontés aux limites de leur savoir, auraient plutôt tendance à sous-estimer légèrement leur niveau.
Contrairement à la façon dont il est fréquemment présenté, l'effet décrit par Dunning & Kruger n'est pas équivalent à l'ultracrépidarianisme (tendance à s'exprimer beaucoup, et avec des opinions tranchées, sur des sujets que l'on ne maîtrise pas); il s'agit simplement d'une tendance à mal juger son propre niveau de compétence (généralement dans le sens de la surestimation).
Il ne s'agit pas non plus d'une surestimation par la personne de son niveau intellectuel général (rien à voir avec la caricature de "l'idiot trop bête pour savoir qu'il l'est"); l'erreur de jugement concerne son niveau de compétence dans un domaine précis, à un stade donné de son apprentissage.
De plus, la surestimation de leur compétence serait plus marquée non pas chez les personnes complètement ignorantes sur le sujet en question, mais sur les débutants en cours de découverte, peu expérimentés mais plus exactement ignorants. Il faut garder à l'esprit que les tests qui ont permis de décrire cet effet n'ont pas été menés sur un échantillon de la population générale, mais sur un groupe d'étudiants en licence de psychologie, inégalement performants mais tous déjà familiers des tests cognitifs (et dont le niveau scolaire, même chez les moins performants, était tout de même suffisant pour leur permettre d'être admis à la prestigieuse et sélective Université de Cornell).
Enfin, il est important de préciser que les études ultérieures sur le sujet ne sont pas toutes parvenues aux mêmes résultats que Dunning & Kruger, et que son existence ne fait pas consensus; il pourrait être influencé par des facteurs personnels et culturels.
Exemple: Lors de l'apprentissage d'une langue étrangère, il y a souvent une phase où l'on se considère "quasi-bilingue", jusqu'à ce qu'un voyage dans le pays, ou une conversation avec un locuteur natif, nous amène à reconsidérer cette supposition. Au contraire, un individu réellement "quasi-bilingue" aura tendance à sous-estimer son niveau, en se comparant aux locuteurs natifs et en se focalisant sur les points qui le distinguent encore de ceux-ci (notamment l'accent et la prononciation).
Les graphes de ce type, notamment dans les memes d'Internet, sont souvent donnés comme une représentation de l'effet Dunning-Kruger, mais il s'agit en fait d'une extrapolation humoristique et abusive de celui-ci: l'effet décrit par Dunning & Kruger stipule seulement que la portion peu compétente de l'échantillon surestime globalement son niveau, tandis que la portion la plus compétente le sous-estime légèrement. (auteur: Arjuna Phillips, source) |
F.
Fact-checking: (littéralement:
"vérification de faits") Vérification d'informations relayées dans les médias par la consultation de sources spécialisées.
Le fact-checking peut se faire à l'échelle personnelle (simplement
faire des recherches approfondies pour vérifier ce que l'on a lu ou
entendu) ou être accompagné d'un debunking (voir ce mot) à destination du public.
Quelques exemples de sites de fact-checking: Snopes.com (en anglais) https://www.hoaxbuster.com/ (en français) https://www.hoax-slayer.com/ (en anglais) https://hoax-net.be/ (en français) https://www.thatsnonsense.com/ (en anglais), africacheck (en anglais, centré sur les hoax circulant sur le continent africain).
Factoid:
(de l'anglais "fact", un fait, et du suffixe d'origine grecque "oid",
"qui ressemble à"). Information non vérifiée, donc souvent fausse ou
inexacte, présentée comme vraie par un ou plusieurs média(s) qui l'ont
relayée. Généralement, le factoid paraît vraisemblable, ou du moins s'aligne avec des croyances répandues, raison pour laquelle les sources qui le relaient ne prennent pas la peine de le vérifier.
La diffusion de factoids est une forme de mésinformation.
Quelques
types de médias diffusant volontiers des factoids sur les araignées
(donc à éviter ou vérifier soigneusement), avec exemples:
-Tabloids anglophones, par exemple The Sun, le New York Post ou le Daily Mail
-Presse gratuite ou locale francophone, comme Le Midi Libre, Sud Ouest, RTBF, 20 Minutes...
-Sites et forums "santé et bien-être", comme Doctissimo, e-santé, santé magazine...
-Médias de "science buzz", par exemple maxisciences.
Exemple: Nous avons tous entendu dire un jour que c'est l'entreprise Coca-Cola qui a relooké le père Noël, jusque-là habillé d'un manteau vert et plutôt mince, en bon vivant bedonnant, vêtu de rouge et blanc aux couleurs de sa marque. Pourtant, ce factoid est faux: c'est le caricaturiste Américain Thomas Nast, en 1866, qui fut le premier à l'affubler de sa bedaine et de son habit rouge. Ce père Noël devint rapidement très populaire, et très présent dans la publicité au moment des fêtes de fin d'année. Cependant, ce n'est qu'en 1931, bien après d'autres entreprises (notamment Colgate, dont les couleurs sont aussi rouge et blanc) que Coca-Cola associa pour la première fois son image à celle du barbu au manteau rouge... C'est probablement l'usage intensif du personnage par la marque de boissons depuis, et la coïncidence entre les couleurs de son logo et celles du manteau du Père Noël, qui ont donné naissance à cette légende urbaine.
G.
Gatekeeping (dans le langage courant): (D'un mot anglais dont la signification littérale est "garder la porte") Comportement élitiste des initiés d'un domaine disciplinaire ou centre d'intérêt, qui en interdit ou en décourage l'accès aux nouveaux venus, ou stigmatise et exclut certaines catégories de membres de leur communauté, qu'ils jugent indignes d'en faire partie.
Dans sa forme la plus visible, le gatekeeping peut se traduire par une attitude dédaigneuse et arrogante, voire méprisante ou hostile, des initiés envers les néophytes, et un refus de partager leur savoir.
Il en existe également des formes plus subtiles (et parfois involontaires), par exemple l'usage de termes inutilement complexes et hermétiques, ou d'un nombre excessif d'acronymes et autres codes, pour exprimer des idées simples qui pourraient aisément être expliquées de manière plus abordable.
En revanche, et bien qu'ils soient occasionnellement accusés d'en être, les termes de jargon qui servent à exprimer des concepts compliqués, impossibles à résumer en un ou quelques mots plus simples, sont une part nécessaire et inévitable de toutes les disciplines scientifiques (et
même de tous les domaines assez techniques pour nécessiter un langage
spécifique, ce qui va de l'astronomie au football, en passant par la pêche à la
ligne et la mécanique automobile). Ils sont complexes parce qu'ils traduisent des concepts complexes ou très spécifiques, et ne peuvent donc pas être considérés comme du gatekeeping.
Dans la majorité des cas, le gatekeeping est injustifié, et désapprouvé par la communauté, en particulier quand il restreint l'accès à des biens communs fondamentaux comme la culture scientifique.
Il fait toutefois partie intégrante de l'identité de certaines contre-cultures "underground" issues de milieux sociaux populaires (comme certains courants du punk, du metal ou du hip-hop). Il est alors enraciné dans la crainte qu'une trop grande montée en popularité du mouvement ne dénature, voire piétine, ses fondements idéologiques, et s'accompagne d'une mercantilisation de ses codes et éléments culturels, qui dépossèderait la communauté de ce qu'elle a créé, en les rendant financièrement inabordables pour ses membres originaux.
Exemple: En biologie, l'utilisation de noms binomiaux latinisés pour désigner les espèces vivantes est occasionnellement (bien plus souvent dans le monde anglophone que francophone) pointée du doigt par les néophytes comme du gatekeeping. Ces personnes accusent les chevronnés de choisir, pour se donner l'air savants et rendre leur science inaccessible au plus grand nombre, d'utiliser des noms latins compliqués et difficiles à retenir, à la place de noms communs plus abordables.
Le problème de cette accusation est qu'elle fait passer une nécessaire complexité pour un choix frivole, les noms binomiaux ayant été inventés pour surmonter les nombreux inconvénients des noms communs:
- Une même espèce peut avoir plusieurs noms communs, et un même nom peut désigner plusieurs espèces, d'autant qu'il existe des variations régionales dans l'utilisation de ces noms, et les espèces qu'ils désignent. Ils sont donc facteurs de confusion.
- Il existe des millions d'espèces vivantes, et seule une très petite partie d'entre elles est affublée de noms communs traditionnels. Il faudrait donc en inventer des millions, ce qui mènerait rapidement à un niveau de complexité au moins égal à celui que les noms scientifiques engendrent.
- Les noms communs ne sont valables, au mieux, que dans une langue, souvent même restreints à un pays ou à une région particulière. Ils rendraient donc la communication d'un langage à l'autre extrêmement difficile, voire impossible, d'où la nécessité d'un système standardisé et international pour nommer les espèces. De plus, le latin, une langue morte qui n'est plus parlée de nos jours, a l'avantage de ne favoriser ni ne léser personne (contrairement à ce qui se passerait si une langue actuelle était adoptée à la place).
Ces noms scientifiques n'ont donc rien à voir avec du gatekeeping. Ils sont indeispensables, et ne résultent pas d'une volonté de compliquer la biologie pour la garder hors de portée des "profanes"; au contraire, ils la simplifient significativement, même si cela n'est pas forcément évident au premier abord.
H.
Hoax: Nom donné aux canulars virtuels, apparus et diffusés sur Internet. Le hoax peut être un extrait de texte, accompagné ou non d'une image, ou une vidéo. Il s'appuie sur les émotions, en particulier la peur, pour être partagé. Une forme très commune de hoax est la fausse alerte contre une menace prétendument nouvelle, fortement exagérée ou complètement inventée, postée sur les réseaux sociaux ou (plus anciennement) par chaîne d'e-mails. La restriction du mot hoax aux canulars virtuels est spécifique à la langue française; en anglais, hoax a le sens littéral exact de "canular".
Homme de paille (sophisme de l'épouvantail) : Manœuvre argumentative fallacieuse, où l'on répond à son opposant non pas en contrant son argument, mais en répondant à une caricature simpliste et aisément réfutable de son argument (très souvent, la caricature en question consiste à tirer un propos nuancé et prudent vers une position extrême et stéréotypée).
Tout comme il est plus facile de se battre contre un mannequin de paille que contre un véritable adversaire, le sophisme de l'homme de paille détourne le débat vers un argument contre lequel on a une réponse toute prête, ou vers une allégation fausse qu'il est facile de démonter, pour reprendre pied lorsqu'on se trouve en tort, et déstabiliser l'opposant (voire le décrédibiliser auprès de l'auditoire par effet de halo). Le sophisme de l'homme de paille ne vise pas à convaincre l'adversaire (qui sait que l'argument est fallacieux et invalide) mais l'auditoire.
Exemple: "Locuteur 1: L'immense majorité des cas suspectés de "morsures d'araignées" n'en sont pas. Les araignées ne mordent pas les humains sans provocation, et la plupart d'entre elles sont dotées de venins dont les effets sur la santé humaine sont négligeables.
Locuteur 2: - Donc vous êtes en train d'affirmer que les araignées sont inoffensives et qu'elles ne mordent jamais les humains?
1: - Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. Il serait dangereux et irresponsable de simplifier ainsi mon propos.
2: - Donc vous admettez que les araignées sont des animaux dangereux, dont il est normal et raisonnable d'avoir peur!"
Les arguments du locuteur n°2 sont des hommes de paille: ils imitent ceux du locuteur n°1, mais les caricaturent en retirant tous les essentiels éléments de nuance, ce qui a pour effet (et pour but) de rendre les énoncés mensongers. Ainsi, le locuteur n°2 répond à des arguments qu'il fabrique lui-même, dans un faux débat parallèle où il a la main haute, au lieu de répondre réellement au locuteur n°1.
Hypothèse : Proposition testable qui constitue une réponse possible à une question. L'hypothèse est vouée à être testée par l'expérimentation, suite à laquelle elle sera démontrée comme fausse (réfutée) ou pas. Il est donc primordial, pour être considérée comme scientifique, qu'une hypothèse soit (au moins théoriquement) réfutable.
Il est important de ne pas confondre hypothèse et théorie; ces deux termes sont souvent utilisés dans le langage courant comme s'ils étaient interchangeables, mais il ne le sont pas.
Exemple: "Bigfoot n'existe pas" est un exemple d'hypothèse scientifique, car réfutable: trouver des preuves concrètes et incontestables de l'existence de Bigfoot, ou, mieux, Bigfoot lui-même, réfuterait notre hypothèse. Chercher des preuves positives de l'existence de Bigfoot permet de tester l'hypothèse, et en trouver la réfuterait. En revanche, si des dizaines, voire des centaines, de tentatives de recherches restent infructueuses, si malgré l'exploration méthodique des zones où il est supposé se trouver, la pose de pièges photographiques, la mise en place d'affûts, l'analyse de traces indirectes, la recherche d'ADN inconnu, aucune preuve concrète de son existence ne peut être obtenue, alors on peut parvenir à un consensus scientifique sur sa non-existence (consensus qui reste, malgré tout, réfutable...).
En revanche, le postulat "Bigfoot existe" n'est pas scientifique, car non réfutable: ne pas trouver Bigfoot peut mener à un consensus sur sa non-existence, mais ne peut pas démontrer l'hypothèse comme fausse. En effet, aussi improbable que cela soit, il reste toujours possible que les recherches n'aient pas été menées au bon endroit, au bon moment, ou de la bonne façon...
L.
Légende urbaine (ou légende contemporaine): Récit fictif transmis oralement (et plus récemment grâce à internet),
et présenté comme véridique par son narrateur (souvent de bonne foi).
Nommées "urbaines" par opposition aux légendes plus anciennes,
généralement issues des milieux ruraux et transmises aux plus jeunes par
leurs aînés, les légendes urbaines sont, à l'origine, plutôt
relayées par les populations jeunes des villes et banlieues (mais ne
sont pas restreintes aux milieux urbains, loin s'en faut). Phénomène
relativement récent (le terme s'est généralisé dans les années 1960-70), ces histoires sont généralement très ancrées dans le contexte socioculturel
(peurs, climat politique, technologies) de l'époque et du lieu où elles
sont racontées. Elles jouent sur les émotions fortes (la
peur, le plus souvent) pour être crues et diffusées efficacement.
La
démocratisation d'Internet, puis des réseaux sociaux, à partir de la
fin des années 1990, a facilité la propagation des légendes urbaines,
mais a radicalement modifié la forme prise par celles-ci. Alors qu'il s'agit traditionnellement d'une histoire construite et
scénarisée, elle prend souvent, sur Internet, la forme d'un bref article,
d'un mème, d'un statut ou d'un commentaire partagé sur un réseau social, et se
rapproche donc beaucoup du factoid ou du creepypasta. Les légendes urbaines d'Internet sont aussi plus souvent racontées à la première personne que quand elles était transmises oralement, car le narrateur n'a plus besoin de se distancer du récit pour éviter les questionnements des sceptiques, qui peuvent être simplement bloqués ou ignorés.
La ponte d'araignées sous la peau est une légende urbaine répandue, dont il existe de nombreuses variantes (illustration de Stephen Gammell pour la
nouvelle "The Red Spot" d'Alvin Schwartz, adaptation littéraire de ce mythe) |
M.
Marketing viral: Technique de marketing exploitant la diffusion virale, souvent en fabriquant des contenus à forte charge émotionnelle (comiques, étonnants, mignons, scandaleux ou effrayants). Il fonctionne en suscitant un buzz. Il arrive que certaines campagnes de marketing viral usent de la diffusion de canulars qui ne sont pas, dans un premier temps, explicitement liés au produit; la nature publicitaire de la manœuvre n'est révélée qu'ultérieurement, une fois que l'affaire a attiré l'attention et l'engouement du public visé. Ces cas particuliers peuvent être à l'origine de mésinformation lorsqu'ils sont partagés par des sources qui les croient authentiques.
Exemple: Le 7 juillet 2022, le youtubeur américain Coyote Peterson, présentateur de la chaîne animalière Brave Wilderness, publie sur sa page Facebook personnelle des photos de ce qu'il présente comme le crâne d'un très grand primate trouvé dans un ruisseau d'une forêt de Colombie Britannique (Canada). Cette découverte est en fait une opération de marketing viral, un canular monté à l'aide d'une réplique de crâne de gorille mâle, destiné à faire la promotion de sa chaîne Youtube et d'un épisode spécial "Bigfoot", diffusé quelques jours plus tard, où le crâne est révélé comme un faux.
Marronnier (journalisme): Articles de "faits divers" relatant une information d'importance mineure, généralement sur un phénomène récurrent et ordinaire (souvent saisonnier), qui sert à meubler durant les périodes où il ne se passe pas grand-chose, comme celles où le personnel des rédactions est en effectif réduit et/ou où l'on veut éviter les sujets trop lourds (vacances d'été, fêtes de fin d'année, par exemple), ou qui font écho à un évènement qui approche (ex: articles sur les bienfaits du chocolat ou sur l'ostréiculture au moment de Noël...). Les marronniers permettent de maintenir un taux d'audience relativement haut, tout en nécessitant peu d'efforts. Le nom vient d'un marronnier parisien dont la floraison faisait chaque année l'objet d'un reportage dans la presse locale. Les articles informant (avec plus ou moins de rigueur) sur les piqûres de petites bêtes en été sont un exemple de marronnier typique, tout comme les articles à teneur plus ou moins anxiogène sur les araignées à l'approche d'Halloween.
Les histoires d'araignées, à l'approche d'Halloween, sont devenues des marronniers classiques, comme celle-ci, parue dans Corse Matin le 9 Octobre 2018 : ici, quelqu'un a simplement... Vu une grosse araignée (une Hogna radiata). Il est même précisé dans l'article qu'il s'agit d'une espèce commune! (source) |
Mème (Internet meme): Contenu partagé via Internet, qui devient une référence "culturelle" (au sens large) pour une communauté plus ou moins importante d'internautes au sein de laquelle il circule de manière virale. Il tourne généralement en dérision un élément d'actualité ou de pop culture. Le meme consiste souvent en une phrase ou réplique courte (réplique de film, de jeu vidéo, citation de figure célèbre, slogan publicitaire, titre de journal...), associée à une image ou à un GIF, mais il peut prendre la forme de tout contenu bref et facile à partager (vidéo, chanson...).
Il devient généralement une référence culturelle à cause de sa teneur humoristique, souvent absurde, mais peut, plus rarement, faire appel à d'autres émotions (contenu effrayant, mignon, étonnant, polémique...). Les memes, bien que généralement inoffensifs et parfois éducatifs, peuvent toutefois être occasionnellement utilisés comme source de mésinformation, de désinformation ou de propagande.
Mésinformation (false news): Diffusion involontaire
d'informations fausses, tronquées, déformées ou sorties de leur contexte, par des sources qui
ignorent qu'elles sont fausses. Contrairement à la désinformation, la mésinformation est une erreur honnête, qui vient d'un manque de
connaissances sur le sujet, d'un manque de rigueur dans la vérification
de l'information, ou d'une approximation excessive, plutôt que d'une
vraie volonté de duper. Beaucoup de contenus initialement fabriqués
dans un but de désinformation sont ensuite diffusés comme mésinformation.
N.
Name dropping : (traduction littérale: "lâcher de nom") Le fait de mentionner, au détour d'une conversation ou d'un discours, dans un contexte où ce n'est ni nécessaire, ni sollicité, ni même approprié, un nom de personne ou d'institution célèbre et/ou prestigieuse avec laquelle on évoque (ou sous-entend) une connexion personnelle, dans le but de se mettre en avant et d'impressionner son auditoire. Il est très fréquent que le name dropping soit, de plus, abusif, et que la connexion de la personne avec le nom qu'elle mentionne soit nettement moins étroite qu'elle ne le laisse entendre.
Exemple: Une personne qui ne manquerait jamais une occasion de mentionner les noms de prestigieuses universités comme Stanford ou Cambridge, laissant entendre qu'elle y aurait fait des recherches ou même y serait encore associée, alors même que ses connexions avec ces institutions sont révolues, et qu'il s'agissait de visites ou de brefs stages n'ayant mené à aucune recherche publiée.
P.
Peer review:
(en français, "révision par les pairs") Examen, par un comité de lecture
indépendant et bénévole, constitué de chercheurs (au moins deux, le plus souvent trois ou quatre) dont le domaine
d'expertise est le plus proche possible du sujet de l'étude, auquel est soumis tout
article de recherche avant sa publication dans une revue scientifique.
Chaque membre du comité de lecture (reviewer) ignore qui d'autre en
fait partie. Lors du peer-review, sont examinées, entre
autres, la rigueur des méthodes utilisées et la pertinence des résultats
et de leur interprétation. A l'issue de ce processus, les reviewers peuvent donner leur feu vert à la revue pour accepter et publier le manuscrit, conseiller aux auteurs d'y apporter des modifications superficielles (révisions mineures) ou profondes (révisions majeures), ou même, s'ils le jugent de trop mauvaise qualité, fantaisiste, ou hors sujet, conseiller à la revue de rejeter purement et simplement celui-ci.
Même si le système de peer-review n'est pas
infaillible (la revue peut mentir sur la rigueur du processus ou même son existence (voir revue prédatrice),
l'impartialité et la confidentialité du comité peuvent ne pas être
complètes, les reviewers peuvent être mal choisis par rapport au sujet
de l'article...), il reste l'unique solution permettant d'assurer
l'indépendance, la rigueur et la fiabilité d'une publication
scientifique.
A noter que même si un article passe le peer-review avec succès, il reste, après publication, susceptible d'être critiqué, revu, questionné par l'ensemble de la communauté scientifique, et peut encore, en cas de fraude ou failles importantes que les reviewers auraient manqué ou ignoré, être rétracté (retiré).
Preprint (pré-publication): Manuscrit d'article scientifique mis à disposition du public avant le peer-review et sa publication effective par la revue. Le processus de peer-review et de publication étant relativement lent (généralement plusieurs mois), l'intérêt de publier un preprint est de rendre accessibles les données nouvelles de l'article, et de leur permettre de servir de base de travail, avant que le peer-review ne soit terminé. Cela peut être avantageux dans les disciplines où la recherche avance très vite, ou pour celles qui concernent une situation urgente (études sur une épidémie en cours, par exemple).
Bien qu'il soit théoriquement écrit avec la même rigueur que toute publication scientifique (puisqu'il est destiné à en devenir une),
par des chercheur présentant les résultats de leurs travaux, le preprint
est une source moins fiable que l'article publié, car il n'a pas encore
passé avec succès les étapes visant à garantir que la recherche qu'il
présente est nouvelle, rigoureuse et suffisamment pertinente pour être publiée, donc rien
n'assure qu'elle l'est.
Malheureusement, le preprint peut être (et a été, par exemple à certaines occasions durant la pandémie de COVID-19) exploité pour faire faussement passer des recherches non rigoureuses, orientées ou même frauduleuses, qui ne passeraient jamais le filtre d'un peer-review traditionnel (ce que leurs auteurs savent pertinemment), comme des articles publiés en bonne et due forme.
Preuve circonstancielle (en contexte non juridique): Élément de circonstance qui peut servir à échafauder ou consolider une hypothèse, en permettant d'établir un lien logique entre une cause possible et un résultat. La preuve circonstancielle aide à construire un scénario cohérent et vraisemblable, mais, contrairement à la preuve directe, elle ne confirme pas directement la véracité de l'hypothèse. Une accumulation de preuves circonstancielles peut renforcer la crédibilité du scénario proposé, mais, dans certaines conditions (si l'hypothèse, sans raison apparente, n'est jamais validée par une preuve directe malgré de nombreux tests), cette accumulation peut devenir suspecte.
Exemple: La tégénaire des champs (Eratigena agrestis) a été accusée à partir de 1987 d'être une cause fréquente de nécrose de la peau aux USA, sur la base de preuves circonstancielles (sa présence à peu près systématique dans le domicile de patients porteurs de lésions nécrotiques). Cependant, sur une période de 30 ans, malgré de nombreux cas de morsures suspectées, cette hypothèse ne s'est jamais trouvée confirmée par une seule preuve directe (cas de morsures où l'araignée aurait été observée en train de mordre, qui auraient ensuite dégénéré en une nécrose difficile à expliquer autrement que par l'action du venin), ce qui a mené des chercheurs à remettre en doute la pertinence de cette accusation, si bien que le CDC a retiré cette espèce de sa liste des araignées d'importance médicale en 2015.
Pseudoscience: Discipline ayant l'apparence d'une science, mais dont la méthodologie ne suit pas la démarche scientifique et ses principes de réfutabilité, de reproductibilité, et de non-contradiction.
Une pseudoscience est généralement considérée comme telle parce qu'elle est repose entièrement sur une hypothèse non prouvée et/ou non testable ("les fantômes existent", "les OVNI sont de nature extraterrestre", "une entité immatérielle et indétectable mais consciente gouverne l'univers", "le futur est déjà écrit et prédictible") qui est acceptée comme vraie dans le cadre théorique de la discipline.
D'autres pseudosciences sont ainsi qualifiées parce qu'elles se basent sur des fondements qui furent un jour du domaine de la science, mais ne le sont plus suite à leur réfutation (phrénologie, génération spontanée, géocentrisme, par exemple).
Souvent, la démarche méthodologique de la pseudoscience consiste à rassembler des observations et résultats expérimentaux confirmant l'hypothèse de départ et/ou à n'interpréter les observations qu'en admettant que celle-ci est vraie, au lieu de la tester impartialement (et, potentiellement, la remettre en question).
Le terme "pseudoscience" est parfois restreint aux disciplines que leurs pratiquants cherchent frauduleusement à faire percevoir comme scientifiques, et dignes d'être débattues comme des "théories alternatives" aux consensus scientifiques actuels, alors qu'elles ne le sont pas (créationnisme, pseudo-médecines, pyramidologie, Terre plate...).
Les disciplines dont la méthodologie n'est pas scientifique, mais qui ne cherchent pas à être reconnues comme telles (parapsychologie, "sciences occultes" au sens large, approches non agnostiques de la théologie), elles, seront alors plutôt qualifiées de "para-sciences".
Exemple: la cryptozoologie, c'est-à-dire l'étude des espèces animales encore inconnues de la science, est généralement reconnue comme une pseudoscience (ou une para-science, en fonction de la définition que l'on donne à "pseudoscience"). En effet, sa méthodologie consiste généralement à interpréter des légendes (traditionnelles ou urbaines) et autres récits de rencontres avec des créatures vraisemblablement inconnues (des "cryptides") comme des indices de leur existence, et de partir à la recherche d'éléments de preuve (photographies, traces, témoignages) corroborant celle-ci.
Cette approche est pseudo-scientifique, car elle part d'une hypothèse non réfutable (l'hypothèse "le cryptide existe" n'est pas réfutable, car on ne peut pas prouver sa non-existence) et parce qu'elle vise à la confirmer, et non à la tester de manière impartiale.
Une approche scientifique de la cryptozoologie est toutefois possible, en se basant sur l'hypothèse, réfutable, que le cryptide n'existe pas (réfutable par la présentation de preuves incontestables de l'existence du cryptide), en analysant les preuves d'une manière rigoureuse, empirique, visant une objectivité maximale, et en éliminant toutes celles qui sont explicables d'une manière plus simple et probable (voir Rasoir d'Ockham) pour ne conserver que celles qui ne peuvent pas être expliquées autrement que par l'existence de l'animal inconnu.
Publication scientifique: Communication écrite (le plus souvent un
article publié dans une revue scientifique, mais qui peut aussi être un
compte-rendu de congrès, ou un livre, comme un ouvrage collectif ou une
monographie) d'un chercheur sur ses travaux de recherche scientifique,
destiné à un public de spécialistes (en priorité d'autres chercheurs). Pour être considérée comme telle, une publication scientifique est passée par un processus de peer-review. Une publication scientifique présente non seulement les résultats, mais doit également détailler, idéalement dans une transparence totale, le processus expérimental, le matériel et les données utilisées, afin de remplir le critère de reproductibilité: elle doit permettre (théoriquement) à d'autres scientifiques de pouvoir répéter la même expérience dans les mêmes conditions, afin de vérifier que celle-ci permet bien de produire les résultats annoncés.
Chaque information qui y est donnée doit y être dûment sourcée (appuyée par une référence bibliographique) si elle n'est pas nouvelle, et doit être argumentée et soutenue par les résultats de la recherche présentée si elle est nouvelle.
La principale différence entre une publication scientifique et le reste de la littérature spécialisée (revues de vulgarisation, livres documentaires...) est le fait que celle-ci soit, à toutes les étapes du processus de publication, soumise à l'examen et à la validation du reste de la communauté scientifique: en comité réduit par le biais du peer-review avant publication, puis par l'ensemble de la communauté une fois l'article publié. En effet, tout chercheur (du moment que son domaine d'expertise lui donne un avis pertinent sur le sujet) a un droit de réponse aux publications, et peut émettre des avis, des questions et des critiques. Si les mêmes failles importantes de méthode, d'échantillonnage ou d'interprétation sont pointées par un trop grand nombre d'avis argumentés, l'étude peut même être rétractée, c'est-à-dire retirée a posteriori par la revue.
R.
Raisonnement circulaire: Type de raisonnement erroné, volontairement ou involontairement trompeur (il peut s'agir d'une erreur honnête de raisonnement), dont la prémisse (le postulat de départ) est soutenue uniquement par la conclusion du raisonnement, et dont la conclusion est l'unique élément qui soutient la prémisse, sans preuve extérieure corroborant l'un ou l'autre. Le raisonnement circulaire n'est soutenu et justifié que par lui-même, sans que des preuves extérieures ne viennent appuyer la validité de sa prémisse ou de sa conclusion. Il peut être utilisé à des fins de rhétorique fallacieuse, pour donner une impression de cohérence logique à un argument qui ne repose en fait sur aucune base.
Exemple: Une théorie actuellement très en vogue en France, et particulièrement relayée par les médias, née du courant de la "psychologie de l'évolution", postule que l'arachnophobie serait "inscrite dans notre ADN", car les araignées auraient, dans un lointain passé, représenté un tel danger pour nos ancêtres que la peur et l'évitement de celles-ci auraient été des traits favorablement sélectionnés au cours de l'évolution humaine.
Cette théorie est cependant vivement critiquée du fait de son absence de preuves concrètes. La peur des araignées n'est pas universelle, et encore moins répandue de manière égale, parmi les différentes cultures humaines. Il n'existe aucune preuve paléontologique, ni chez les araignées fossiles, ni chez les humains et primates fossiles, qui attesterait que celles-ci ont un jour été un danger significatif pour notre lignée. Les primates non humains actuels sont indifférents aux araignées, et beaucoup (y compris certaines cultures humaines) en mangent. Les représentations anciennes (préhistoriques ou proto-historiques) d'araignées sont rares dans le monde et même inconnues en Occident (alors qu'actuellement l'arachnophobie y est particulièrement répandue), tandis que d'autres animaux nettement plus dangereux et bien plus importants dans les cultures préhistoriques, comme l'ours, n'inspirent plus une telle peur irrationnelle aujourd'hui. Si l'on se base sur les preuves disponibles, la peur répandue des araignées semble en fait essentiellement Occidentale, voire judéo-chrétienne, et relativement récente (Moyen-Age, avec une généralisation significative à partir du milieu du XXe siècle). En fait, les seuls éléments qui appuieraient l'idée d'une peur "génétique" sont la prévalence de l'arachnophobie dans la population occidentale actuelle (ce qui peut s'expliquer par l'argument culturel), et le fait que des nourrissons exposés à des images d'araignées et à des motifs "neutres" comme des fleurs, fixaient les premières plus intensément que les seconds (ce qui n'exclut pas la possibilité d'une simple peur de l'inconnu: on trouve plus de motifs floraux dans l'environnement d'un bébé que d'araignées...).
Beaucoup dénoncent donc la théorie de la "peur héritée de l'évolution" comme un raisonnement circulaire, qui n'est soutenu que par lui-même: "La peur des araignées est actuellement très répandue dans la population occidentale et semble instinctive. Cela suggère qu'elle a été inscrite dans notre ADN au cours de notre évolution, parce qu'elles ont un jour représenté un danger important pour nos ancêtres; la preuve, la peur des araignées est actuellement très répandue dans la population occidentale actuelle et semble instinctive."
Rasoir d'Ockham (ou d'Occam): principe de raisonnement qui veut que, quand on a plusieurs explications possibles (mais pas plus prouvées les unes que les autres) à un phénomène, il est généralement prudent et préférable de privilégier la plus simple (jusqu'à preuve du contraire).
La raison de ce choix est que chaque explication possible fait intervenir des hypothèses; celles-ci, n'étant pas prouvées, courent le risque d'être fausses. De ce fait, chaque élément hypothétique ajouté au raisonnement le rend d'autant plus fragile.
L'explication qui fait intervenir le moins d'éléments non prouvés est donc celle qui présente le moins de risques d'être fausse; en l'absence de preuve qu'une des explications a plus de chances d'être vraie que ses alternatives, la plus parcimonieuse est donc le choix le moins risqué.
Évidemment, la cohérence et la simplicité d'une hypothèse ne garantissent pas toujours sa véracité.
La réalité ne prenant pas toujours le chemin le plus simple, il peut tout de même arriver qu'une fois testée et confrontée à des preuves directes, l'hypothèse la plus simple (la meilleure selon le rasoir d'Ockham) soit réfutée.
Ce raisonnement n'a donc pas valeur de preuve. Il n'est utile que quand aucune des explications possibles n'est appuyée par des éléments concrets et vérifiables, et ne doit pas mener à accepter automatiquement une hypothèse non testée comme vraie, si simple et cohérente soit-elle.
Exemple: Les allégations comme quoi le Loch Ness abriterait un animal géant inconnu résistent difficilement au rasoir d'Ockham.
La possibilité de l'existence de "Nessie" dans le Loch suppose que ce grand lac d'origine glaciaire, relativement récent (formé quelque part entre -20 000 et -10 000 ans) abriterait un très grand animal totalement inconnu mais apparu récemment, ou un animal préhistorique inconnu de la paléontologie (il ne s'agit pas d'un plésiosaure, car, si certaines descriptions du monstre correspondent aux reconstitutions de plésiosaures des années 1930, les connaissances actuelles suggèrent une apparence très différente, notamment concernant la mobilité du cou), qui aurait, d'une façon ou d'une autre, survécu jusqu'à la formation (récente) du lac, pour y trouver tardivement refuge.
Puisque certaines légendes et témoignages faisant référence à un monstre dans le Loch Ness remontent au XIXe et même jusqu'au VIe siècle, l'existence de Nessie impliquerait celle d'une population entière d'animaux pérennisant l'espèce sur le long terme, ou, s'il s'agit d'une seule créature, que sa nature ne suit pas les règles régissant la biologie des autres animaux, notamment en ce qui concerne la longévité et le vieillissement (il existe des animaux marins capables de vivre 400, voire 500 ans, mais on parlerait ici d'un animal au moins trois fois plus vieux).
Elle impliquerait aussi que les maigres ressources alimentaires du lac, aux eaux très froides, sombres, presque entièrement dépourvues de végétation et peu poissonneuses, suffiraient malgré tout à la survie d'un ou plusieurs très grands animaux. Enfin, elle supposerait que cette (ces) créature(s) parviennent, par un moyen entièrement inexpliqué, à éviter toute tentative de détection lors des nombreuses expéditions à la recherche du monstre, y compris les sondages au sonar et les recherches d'ADN inconnu, et aux nombreuses croisières touristiques qui sillonnent quotidiennement le lac, pour ne se montrer, curieusement, qu'aux personnes dépourvues d'appareils photo ou incapables d'en tirer une image correcte.
La thèse des sceptiques, elle, implique seulement que toutes les "preuves" et témoignages de Nessie ont des explications plus simples et probables: des observations mal interprétées (les rumeurs et légendes locales aidant à échauffer les esprits), d'objets ou de phénomènes naturels (vagues, bottes de foin, troncs d'arbres flottants, barques retournées et à la dérive...) ou de gros animaux égarés (phoques, requins du Groenland, Cervidés nageant), et/ou des fabrications, comme la "photographie du chirurgien" (voir canular) et les autres images et témoignages révélés comme des canulars.
Si l'on applique le rasoir d'Ockham, la thèse des sceptiques est donc, jusqu'à preuve du contraire, bien plus raisonnable, car elle fait intervenir beaucoup moins d'éléments hypothétiques et difficiles à expliquer.
Red flag : (littéralement, drapeau rouge) Formule, expression, comportement, information, évènement ou autre élément considéré comme un signe annonciateur typique d'une situation à risque (dans le cas d'Internet: tentative d'arnaque, désinformation, manipulation, hameçonnage, contenu vérolé, cyberharcèlement...). L'analogie provient de diverses signalétiques (celle des plages, par exemple), où le drapeau rouge sert presque toujours à avertir d'un danger.
Exemple: Si vous recherchez des annonces immobilières de location en ligne, sur les sites de particulier à particulier, le fait qu'un propriétaire vous demande de verser d'avance une somme d'argent pour "réserver l'appartement" est un red flag qui indique à coup sûr une tentative d'arnaque.
Revue prédatrice: Désignation informelle (mais adoptée par l'ensemble de la communauté scientifique) d'un journal frauduleux qui se fait passer pour une revue scientifique légitime, mais accepte en réalité n'importe quel manuscrit ou presque, moyennant paiement. Le peer-review
et même la simple relecture du contenu de l'article sont souvent
sommaires voire inexistants, d'où les délais de publication très
courts (quelques jours) que promettent ces revues.
Actuellement, la prolifération des revues prédatrices est un important
problème pour la recherche, car elles décrédibilisent l'ensemble de la
littérature scientifique en brouillant la frontière entre ce qui est
rigoureusement vérifié et ce qui ne l'est pas.
De plus, elles sont
aussi exploitées par des chercheurs peu scrupuleux, non
indépendants et/ou politiquement orientés, pour y publier des recherches
aux méthodologies biaisées ou peu rigoureuses, et aux résultats trafiqués ou orientés, dans un but de désinformation, pour pouvoir prétendre que leurs opinions marginales sont soutenues par des publications scientifiques.
Il est difficile de distinguer, à première vue, une revue prédatrice d'une revue scientifique légitime. Certains éléments, comme des promesses de délais de publication très
courts, un marketing très agressif qui cible en priorité les jeunes
chercheurs, et/ou une opacité entourant toute information concrète sur
la revue, donnent toutefois souvent des indices. Ce n'est cependant que le temps, et la qualité
(ou plutôt le manque de qualité) de ce qui y est publié, qui révèlent sa nature frauduleuse. Heureusement, il existe des listes régulièrement tenues à jour
(comme celle-ci) pour permettre aux chercheurs et autres lecteurs de littérature scientifique de les identifier et de les éviter.
Exemple: En 2020, au début de la pandémie de COVID-19, le concept de revue prédatrice
a été abordé dans les médias grand public après l'insolite publication
d'un article absurde prétendant que l'hydroxychloroquine aiderait à la
prévention des accidents de trottinette, dans la revue Asian Journal of Medicine and Health. En effet, cette revue était utilisée par certains collectifs de médecins "dissidents" pour y publier des travaux controversés, mais fréquemment repris par la presse et les journaux
télévisés, sur le traitement de la maladie à l'aide de cette molécule. Cet article, un canular évident dès les premières lignes, a permis d'exposer l'AJMH comme une revue prédatrice, qui publiait n'importe quoi, sans peer-review ni même relecture basique. L'objectif était de dénoncer le choix de ce journal plutôt que d'une vraie revue médicale par ces collectifs pour y publier leurs "recherches", et de montrer que celles-ci n'étaient pas dignes de confiance.
Page de titre d'un article canular publié en 2020 dans l'Asian Journal of Medicine and Health, afin de la dénoncer comme revue prédatrice. Remarquez les noms des auteurs et leurs affiliations. |
Revue scientifique: Journal spécialisé qui produit des publications scientifiques, écrites par des chercheurs qui y présentent leurs travaux. Chaque article publié dans une revue scientifique a fait l'objet d'un peer review auprès d'autres chercheurs spécialistes du domaine avant sa publication, et se trouve soumis à l'examen et à la critique de l'ensemble de la communauté scientifique après. Les articles publiés dans les revues scientifiques n'ont pas pour seule vocation d'informer le reste de la communauté sur les dernières recherches effectuées; ils vont aussi et surtout servir de référence et de base de travail pour des recherches ultérieures sur des sujets liés.
Exemples: Nature, Science, PeerJ, Toxicon.
S.
Scientifique (méthode): Méthode d'exploration du réel qui vise un idéal d'impartialité et d'objectivité, en poursuivant des conclusions basées sur des preuves rigoureusement testées à l'aide des instruments les plus efficaces et appropriés parmi ceux disponibles (à noter que chaque idée de cette phrase représente un idéal, qui, dans la pratique, se confronte évidemment à diverses limites, aussi bien techniques qu'épistémiques, de faisabilité).
Un des fondements majeurs d'une approche scientifique est d'être dégagée de toute croyance préalable (c'est-à-dire, ne jamais rien admettre comme vrai sans preuves tangibles), et de tester toutes les hypothèses avec la même rigueur et la même impartialité (et donc, d'accepter de renoncer à une idée, si séduisante soi-elle, si elle se trouve réfutée par l'expérimentation).
En effet, l'introduction d'une croyance préconçue, qu'il serait impossible ou interdit de remettre en question, limiterait voire biaiserait l'exploration; l'approche perdrait donc sa scientificité, devenant une pseudoscience.
Dans les grandes lignes, la méthode scientifique consiste à se baser sur des observations pour formuler une hypothèse testable, constituant une explication possible à ces observations.
L'hypothèse est ensuite mise à l'épreuve par l'expérimentation, dont les résultats peuvent, ou non, la réfuter. En l'absence de réfutation, si plusieurs répétitions de l'expérience arrivent au même résultat, et plusieurs autres tests, par d'autres chercheurs, vont également dans le même sens, sans qu'aucun ne parvienne à réfuter l'hypothèse, alors on peut arriver à un consensus scientifique, voire à l'élaboration d'une nouvelle théorie. Evidemment, alors que la science avance et que de nouveaux outils permettant de nouveaux tests sont mis au point, les éléments constitutifs de cette théorie seront de nouveau testés, encore et encore, jusqu'à être réfutés... Ou non.
Contrairement à un dogme, qui n'appelle aucune remise en question, il est donc important de comprendre qu'une "vérité scientifique" est considérée comme vraie dans l'état actuel de nos connaissances, et peut être amenée à changer (ou même à être démontrée comme fausse) à la lumière de nouvelles expérimentations.
De fait, une hypothèse, un consensus ou une théorie, doivent remplir un certain nombre de critères fondamentaux pour être considérés comme scientifiques:
- le critère de réfutabilité (ou de "falsifiabilité"), c'est-à-dire que la proposition doit pouvoir, au moins théoriquement, être démontrée comme fausse. Une proposition qui ne peut pas l'être, comme "les licornes existent" (il est impossible de démontrer positivement la non-existence de quelque chose), n'est donc pas scientifique.
- le critère de reproductibilité, c'est-à-dire que quelqu'un qui répèterait les mêmes tests, dans les mêmes conditions expérimentales, et avec le même matériel, doit pouvoir (encore une fois, au moins théoriquement) obtenir des résultats similaires. Pour satisfaire à ce critère, une publication scientifique doit donc détailler, en toute transparence, les méthodes, instruments et échantillons employés, afin de permettre, à tout chercheur désirant le faire, de vérifier la plausibilité et la validité des résultats obtenus.
- le critère de non-contradiction, c'est-à-dire que l'hypothèse, ou la théorie, doit être logiquement cohérente; deux principes contradictoires et mutuellement exclusifs ne peuvent pas coexister dans le même cadre théorique.
T.
Tabloïd: A l'origine, le terme "tabloïd" désigne un format
compact de journal papier. Ce format, dans le monde Anglo-saxon, était
traditionnellement associé à un type de journalisme plutôt racoleur et
sensationnel, tandis que les journaux de plus grand format étaient
généralement réservés à un journalisme de meilleure qualité. Par
extension, "tabloïd" a progressivement changé de sens pour désigner ce
style de journalisme, et le terme désigne aujourd'hui tout journal, en
format tabloïd ou non, qui publie des articles sensationnalistes aux
informations dramatisées, déformées, non vérifiées ou même fabriquées de toutes
pièces. Les tabloïds sont donc une source très peu fiable, qui diffuse
beaucoup de mésinformation, voire de véritable désinformation (l'auteur étant conscient qu'il relaie des informations fausses ou déformées). Certains journaux, comme The Sun, The Mirror ou le Daily Mail,
ont une réputation établie et assumée de tabloïds, tandis que d'autres,
notamment de nombreux titres de la presse régionale ou gratuite
francophone (comme Le Midi Libre, Sud Ouest, RTBF, 20 Minutes)
publient parfois des articles qui s'en rapprochent beaucoup et peuvent aller jusqu'à citer ou même publier
des traductions directes d'articles de tabloïds anglo-saxons.
Exemple d'article du tabloïd anglais The Mirror, qui présente la découverte d'une nouvelle espèce d'araignée (inoffensive) sous un jour inutilement anxiogène. |
Théorie: Ensemble cohérent d'hypothèses, dont certaines ont été testées (et ne sont donc plus des hypothèses), et de règles logiques, en partie étayé par des preuves directes issues de l'observation et de l'expérimentation, qui constitue une explication probable à un phénomène observé, ou à un ensemble de phénomènes liés. Alors que l'hypothèse est une assertion non prouvée et destinée à être testée, la théorie est en partie soutenue par des éléments de preuve (résultats de tests d'hypothèses).
Une théorie est donc plus robuste et plus difficile à réfuter qu'une hypothèse isolée, puisque sa réfutation passe par celle de de toutes les hypothèses sur lesquelles elle est fondée, et par une réinterprétation complète de ses éléments de preuve.
Contrairement aux hypothèses, qui peuvent être émises dès les premiers stades de la recherche, voire avant de se pencher en détail sur le phénomène, la théorie n'est échafaudée qu'à un stade avancé de l'étude du phénomène qu'elle explique, après une accumulation d'observations, de tests et de raisonnements desquels elle découle comme une conclusion logique; c'est un consensus, auquel différentes personnes, suite à différents tests, sont parvenues indépendamment.
Alors qu'hypothèse et théorie sont des termes souvent confondus et amalgamés dans le langage courant, il s'agit donc de deux concepts très différents qu'il est très important de ne pas mélanger (d'autant que certaines personnes jouent sur cette confusion pour faire passer, aux yeux du grand public, des théories solides et bien établies comme consensus scientifiques, pour des hypothèses encore controversées).
Exemple: La théorie darwinienne de l'évolution par sélection naturelle s'appuie sur plusieurs principes, dont des hypothèses testées:
- l'hérédité, c'est-à-dire l'héritabilité de caractères (observée par Darwin lors de ses expériences d'élevage de pigeons, et démontrée, entre autres, par l'abbé Gregor Mendel lors de ses expérience sur les pois).
- L'existence d'un support transmissible qui enregistre ces caractères, mais qui permet l'apparition et la transmission de caractères nouveaux (testée et validée ultérieurement par la découverte de l'ADN et des mutations génétiques).
- La sélectabilité de ces nouveaux caractères, c'est-à-dire le fait qu'ils puissent être de plus en plus représentés au sein d'une population si l'on reproduit favorablement les individus qui en sont porteurs (testée et validée par Darwin lors de ses expériences d'élevage sélectif, de plus, ce processus, base de l'existence de races d'animaux domestiques, est connu et employé depuis des milliers d'années).
- l'hypothèse d'un mécanisme de sélection similaire qui se produirait spontanément dans la nature, en favorisant la transmission de traits avantageux (dans les conditions d'un milieu donné à un moment donné), ces traits augmentant les chances de survie et de reproduction des individus qui les portent (formulée indépendamment par Darwin et Wallace en se basant sur leurs observations effectuées lors de leurs voyages autour du monde).
V.
Virale (diffusion): Terme qui décrit la manière dont une
information, un meme ou un autre type de contenu peut se répandre massivement et très vite sur Internet, comparable à l'évolution d'une
épidémie. Chaque personne touchée par ce contenu le partage et en touche
plusieurs, ce qui fait que plus le contenu touche de gens, plus il se
répand vite, jusqu'à atteindre un palier, puis ralentir à partir du
moment où chaque partage touche plus de personnes "immunisées" (qui
le connaissent déjà et ne le repartageront pas) que
d'internautes qui ne l'ont encore jamais vu.
N'importe quel contenu
au format court et facile à partager est susceptible de devenir viral,
mais ce sont ceux qui suscitent des émotions fortes (contenus
humoristiques, mignons, effrayants ou scandaleux) qui ont le plus de
chances de le devenir.
Du fait de son efficacité et de son coût très
faible (c'est le public-cible lui-même qui répand gratuitement
le contenu), la diffusion virale est largement exploitée par divers
types de médias qui cherchent à la susciter, pour la publicité
(marketing viral), comme manœuvre politique (propagande), ou simplement (et plus fréquemment) pour maximiser le
nombre de vues de leur plateforme (tabloids et autres médias "à buzz").
La diffusion virale n'a rien à voir avec les virus informatiques; un contenu viral n'héberge pas (forcément) de virus.
Synonyme:buzz.
Exemple de tabloid (ici le Daily Star) partageant une vidéo virale pour attirer les lecteurs |
Vulgarisation scientifique: Activité consistant à faire le lien entre la communauté scientifique et le grand public, en présentant l'information scientifique d'une manière abordable et intéressante pour le plus grand nombre. La vulgarisation est un exercice difficile, car il est primordial de préserver la rigueur scientifique du propos et d'éviter à tout prix de le déformer, tout en le formulant d'une manière accessible à tous. Une vulgarisation rigoureuse risque de pêcher par excès de complexité, tandis qu'une vulgarisation qui vise trop de simplicité risque de déformer le propos jusqu'à devenir de la mésinformation.
Exemples: 1. Vulgarisation rigoureuse: "l'orvet commun (Anguis fragilis) fait partie de la superfamille des Anguimorpha, un groupe qui inclut également la famille du monstre de Gila (Helodermatidae) et celles des varans (Varanidae). L'orvet est donc plus proche du dragon de Komodo que des autres lézards de nos régions!"
2. Vulgarisation simpliste (type science-buzz): "Incroyablement, le plus proche cousin de l'orvet est le dragon de Komodo!"
L'affirmation n°1 conserve toute la rigueur du propos scientifique d'origine, mais aussi beaucoup de termes et de concepts relativement compliqués. La n°2 est simple et accrocheuse, du style qu'affectionnent les médias de "science-buzz", mais déforme tant l'information qu'elle en devient fausse (le plus proche parent de l'orvet n'est pas le dragon de Komodo, loin s'en faut). Même si elle est plus lourde, l'approche n°1 est donc à préférer, si possible en essayant de la simplifier un peu.
Notes, locutions latines et abréviations:
n.d.l.a, n.d.l.e, n.d.l.r: Abréviations, respectivement, de "note de l'auteur, de l'éditeur, de la rédaction". Ces abréviations servent à indiquer que la phrase qui les précède ou les suit est une note ajoutée a posteriori au texte, généralement dans le but de clarifier le propos ou d'y apporter une précision.
n.d.t.: abréviation de "note du traducteur". Sert à indiquer que la phrase qui suit ou précède cette note a été ajoutée au texte, traduit d'une autre langue, par la personne ayant effectué la traduction, dans le but de clarifier le propos. Souvent, cette précision est apportée car la formule d'origine pouvait avoir plusieurs traductions possibles, et/ou parce qu'il s'agit d'une expression idiomatique que l'on ne peut pas traduire littéralement.
sic: adverbe latin signifiant "ainsi", qui, entre parenthèses après une citation, indique que celle-ci est transcrite telle qu'elle figure dans le matériel cité. Cette note est généralement utilisée par l'auteur pour se distancer explicitement des informations ou opinions véhiculées par le matériel cité, du fait de leur caractère polémique ou erroné, et/ou pour confirmer que leur nature ou leur formulation insolite ne résulte pas d'une erreur de transcription.
Comme il s'agit d'un mot d'une langue étrangère utilisé tel quel, sic s'écrit en italique si le texte est en caractères droits (et droit si le texte est en italique).
Exemple: "Ces "tâches" renferment en fait plusieurs larves d'araignée banane" (sic).
La note "(sic)" confirme ici que la faute d'homonymie entre "tâche" et "tache", comme la mésinformation au sujet des "larves" d'araignées (qui n'ont pas de stade larvaire à proprement parler) et l'identification incertaine de celles-ci comme des "araignées-banane", proviennent bien du matériel d'origine.
Annexe: Liste des biais cognitifs les plus courants
- le biais de confirmation:
tendance à être moins sceptique envers des informations qui confirment
nos préjugés, angoisses et idées préconçues, et à les accepter plus
facilement que celles qui les remettent en question, même quand la
source des premières est moins crédible.
Exemple: Si
je crois au départ que les boutons inexpliqués sont dus à des araignées,
je croirai immédiatement un ami qui me dit qu'il s'est fait "piquer" en
dormant, mais je resterai sceptique face à un arachnologue qui me
soutient que les araignées ne mordent que pour se défendre et ne
viennent pas agresser les dormeurs pour rien.
- le biais de conformisme (bandwagon effect): le fait de
suivre l'opinion du plus grand nombre, parce que l'on suppose que
les autres sont mieux informés, et/ou par angoisse de l'exclusion. Ce
biais peut mener, par exemple, à adhérer à une croyance populaire très
commune, adopter une opinion à la mode ou perpétuer une tradition, sans vraiment avoir réfléchi à ses
raisons de le faire.
Exemple: Au printemps 2020, lors de la
première vague d'épidémie de COVID-19, les supermarchés, d'abord en
Australie, puis aux USA, puis en Europe, se sont retrouvés en pénurie de
papier toilette, sans lien, au départ, avec une diminution des stocks
ou de l'approvisionnement. En fait, cette pénurie avait pour seule cause le biais de conformisme:
au départ, les rumeurs de confinement en Australie ont probablement
alarmé certains individus qui se sont mis à faire des réserves de
papier, craignant de ne plus avoir accès aux magasins; en les voyant
faire, ou en voyant les images aux infos télévisées, d'autres les ont
imités par peur de manquer, déclenchant un phénomène de masse inattendu.
- le biais de disponibilité: le fait de se dessiner
une image mentale d'un phénomène en se basant uniquement sur les
informations que l'on a à disposition immédiate, ce qui peut avoir comme
résultat une interprétation incomplète ou même complètement erronée de
celui-ci. Évidemment, ce biais intervient dans presque toutes les
situations, dans la mesure où il est théoriquement impossible de tout savoir sur un sujet, mais plus on se renseigne en profondeur, plus on diminue son influence.
Exemple: J'ai
un ami qui se plaint constamment de son travail. J'en déduis,
logiquement, qu'il doit le détester. Un jour où il m'en parle une fois
de plus, je lui pose plus de questions pour m'assurer que cela ne lui
pèse pas trop. Il se montre très surpris par mes inquiétudes et m'assure
que, même si ce n'est pas la joie tout le temps, il est très satisfait
de son emploi! Il s'avère en fait qu'il ne me parlait que des moments
difficiles, ce qui m'a mené à me faire une fausse idée de sa
situation...
- la cascade de disponibilité:
Effet du biais de disponibilité, où l'image erronée d'un phénomène,
altérée par celui-ci, se répand dans la population par effet "boule de
neige" à cause de son aspect simple et frappant, jusqu'à faire office de
connaissance populaire sur le sujet. Cela mène souvent à prendre des
manifestations extrêmes du phénomène pour la norme, à penser qu'il est
beaucoup plus fréquent qu'il n'est en réalité et/ou à avoir une image
fausse de l'aspect de ses manifestations typiques. La cascade de
disponibilité est au centre des épisodes d'emballement médiatique.
Exemple: A partir de 2015, l'emballement médiatique autour de la "recluse",
suite à la description de neuf cas de nécroses cutanées, dont cinq
nécessitant une hospitalisation, a été amplifié par de nombreux
diagnostics et autodiagnostics de morsures de cette araignée, abusifs et
souvent improbables, mais néanmoins relayés par les journaux. La
surmédiatisation de cette pathologie très rare a poussé des
professionnels médicaux, et plus encore le grand public, à identifier
hâtivement toutes sortes de lésions nécrotiques comme des morsures, en
négligeant les autres causes possibles (et plus probables) de telles
lésions. Relayés à leur tour par les médias comme des cas authentiques,
ces diagnostics incertains mais nombreux continuent à altérer l'image
populaire du loxoscélisme, qui s'éloigne à chaque fois un peu plus de la réalité scientifique.
-le biais de popularité (≈ preuve sociale) :
consiste à accepter une idée, opinion ou croyance populaire et répandue
comme crédible, sur la seule base de sa grande popularité. Il est très
proche du biais de conformisme, mais, là où ce dernier est un instinct
d'imitation de l'entourage immédiat, le biais de popularité présente une
dimension quantitative: la popularité (réelle ou perçue) du concept est
proportionnelle à l'impression de crédibilité qu'il dégage. On aura
plus de mal à douter d'une opinion partagée par 99% du groupe que si
celle-ci n'est partagée que par 51% du groupe (et plus encore si elle
n'est partagée que par une minorité). Il s'enracine dans l'idée que si
autant de gens pensent la même chose, il est d'autant plus improbable
qu'ils soient tous dans l'erreur. Ce biais de popularité est une raison
pour laquelle, par exemple, certains factoids complètement faux persistent et restent plus largement crus que la vérité.
Exemple:
Attribuer un vilain bouton que l'on trouve sur soi en se réveillant à
une morsure d'araignée est extrêmement répandu. La culpabilité de
l'animal n'est étayée par aucune preuve (puisque le bouton est apparu
pendant le sommeil), sinon "d'avoir toujours entendu dire" que ce type
de bouton était dû à des araignées; mais si on l'a toujours entendu dire
par tout le monde, ça ne peut pas être faux...
- le biais de proportionnalité: biais
qui consiste à
confondre une augmentation du nombre d'observations d'un phénomène et
une augmentation de la fréquence de celui-ci, alors que cette
augmentation peut être seulement due à une vigilance accrue vis-à-vis de
ce phénomène, ou une amélioration des outils de détection. (attention:
ce n'est
pas la même chose que le proportionality bias, le biais de proportionnalité est appelé frequency illusion en anglais).
Exemple: Le premier cas de réaction à une morsure avérée de Loxosceles rufescens ("recluse")
en France, où cette espèce est native, a été décrit en 2015. Plusieurs
cas ont été diagnostiqués
cette année-là, et dans les années suivantes. Le biais de
proportionnalité a incité de nombreuses personnes et médias à croire que
ces morsures étaient un phénomène nouveau causé par une espèce
invasive, alors que cela montre en fait seulement que
jusque-là, ces cas très rares passaient inaperçus car ils étaient
confondus avec d'autres maladies
de peau.
-le biais de saillance (salience bias): L'attention
excessive que nous portons à certains détails parce qu'ils nous sautent
particulièrement aux yeux (ce biais est hautement dépendant des
sensibilités personnelles), qui mène à surestimer leur importance par
rapport à d'autres qui n'en ont pourtant pas moins (voire plus). Ce
biais est très exploité en marketing et par les médias recherchant le buzz.
En distordant l'importance des différentes informations les unes par
rapport aux autres, il mène ultimement à dresser un tableau erroné de
ladite situation. Il est très lié au biais de disponibilité et
intervient souvent en combinaison avec celui-ci, en particulier dans les
phénomènes d'emballement médiatique.
Exemple: (inspiré du livre "Je n'ai plus peur de l'araignée",
d'Abdelkader Mokeddem et Christine Rollard): Brève (fictive) de fait
divers, parue dans une édition du matin: "Hier dans la soirée, un homme
de 78 ans a été retrouvé mort dans son appartement du Calvados; la cause
du décès n'est pas encore identifiée. Fait insolite, il partageait son
domicile avec plus de 120 mygales et autres araignées tropicales; l'une
d'elles, une espèce originaire du Venezuela, a été retrouvée hors de son
terrarium laissé ouvert."
En lisant cet énoncé, il y a fort à
parier que deux informations vous sautent aux yeux: un homme est décédé,
et il y avait des dizaines d'araignées tropicales dans l'appartement,
dont une s'était échappée (et peut-être, si vous habitez en Normandie,
une troisième: ça se passe près de chez vous...). Le biais de saillance
vous pousse à mettre ces éléments sur le même rang d'importance (et même à suspecter qu'ils puissent avoir un lien).
Pourtant, beaucoup de gens décèdent chez eux chaque jour, et rien dans
l'énoncé ne connecte la mort de l'homme à la présence des araignées, qui
n'est finalement qu'un détail... Que vous n'auriez sans doute pas jugé
aussi important s'il s'était agi d'une collection d'orchidées ou de
timbres.
- l'effet de halo: l'influence de l'impression laissée par
une caractéristique d'une entité (personne, animal, marque, situation,
parti politique, évènement...) sur notre perception générale de ses autres
caractéristiques, qui va finalement influer positivement ou négativement
sur l'ensemble de l'image que nous aurons de cette entité. C'est l'effet de
halo, par exemple, qui rend les attaques ad personam si efficaces; il est donc fréquemment exploité à des fins de rhétorique fallacieuse, en
cherchant à discréditer son opposant sans avoir à contrer ses arguments.
Exemple: Une
personne qui présente des arguments factuels, logiques, fondés et
sourcés, mais qui s'exprimerait d'une voix ténue et monocorde, associée à
une apparence générale peu soignée et une attitude fuyante, aura bien
plus de mal à convaincre son auditoire qu'une personne souriante et
charismatique, qui présenterait des arguments nettement plus fragiles,
mais énoncés d'une voix forte, autoritaire et imprégnée de conviction.
Alors que cela n'a rien à voir avec la qualité de leurs arguments,
l'apparence, l'aisance et la personnalité de nos deux locuteurs
produisent un effet de halo qui détourne l'attention de l'auditeur de la seule chose qui importe vraiment: le contenu de leurs propos.
- l'illusion de corrélation: Établir
un lien logique (une corrélation, ou une causalité) entre deux
évènements, simplement parce qu'ils coïncident dans le temps et/ou
l'espace, ou se ressemblent.
Exemple: (inspiré du livre "Je n'ai plus peur de l'araignée", d'Abdelkader
Mokeddem et Christine Rollard): Brève (fictive) de fait divers, parue
dans une édition du matin: "Hier dans la soirée, un homme de 78 ans a
été retrouvé mort dans son appartement du Calvados; la cause du décès
n'est pas encore identifiée. Fait insolite, il partageait son domicile
avec plus de 120 mygales et autres araignées tropicales; l'une d'elles,
une espèce originaire du Venezuela, a été retrouvée hors de son
terrarium laissé ouvert."
Un esprit un tantinet arachnophobe aura
tôt fait de suspecter la fuyarde à 8 pattes comme cause du décès.
Pourtant, rien dans la brève ne suggère le moindre lien entre la mort de
l'homme et les araignées. Des personnes meurent tous les jours dans
leur appartement, sans que les araignées n'y soient pour quoi que ce
soit. Le fait que la cause du décès ne soit pas identifiée ne suggère
pas qu'elle soit inhabituelle: vu la chronologie des évènements,
l'autopsie n'a tout simplement pas encore eu lieu. Rien n'indique
d'ailleurs que l'araignée évadée soit une espèce dangereuse. Peut-être
que l'homme a été victime d'un arrêt cardiaque pendant qu'il nourrissait
ses animaux; peut-être même que l'araignée échappée et l'homme
n'étaient pas dans la même pièce au moment où celui-ci est décédé.
Cependant, le cerveau, aidé par le biais de saillance, est prompt à établir une corrélation illusoire entre ces deux informations plus que probablement indépendantes...
- l'illusion des séries: Distinguer
de fausses tendances dans une distribution qui est en fait due au
hasard. Ce biais est particulièrement commun quand on observe une
répétition d'évènements rares et accidentels, comme les crashs d'avions,
dans un faible intervalle de temps.
Une distribution présentant
seulement des occurrences isolées et
espacées serait, par définition, trop régulière pour être réellement
aléatoire. Il est donc normal, dans une distribution réellement due au
hasard, de voir des occurrences irrégulières de l'évènement rare en
question, c'est-à-dire de longues périodes où il ne se produit pas, des
occurrences isolées et espacées dans le temps, mais aussi des épisodes
de répétitions plus rapprochées. Cependant, lorsque ces derniers se
produisent, il est tentant (du fait de l'habituelle rareté du phénomène)
d'imaginer à tort que celui-ci est en train de devenir plus fréquent ou
plus régulier.
Exemple: "Il y a eu deux cas de
morsures de "recluses" dans les deux dernières semaines, c'est une vraie
épidémie! A ce rythme-là, à la fin de la saison, on en aura compté une
vingtaine!" (ces évènements sont rares et accidentels, il ne s'en
produit que trois ou quatre par an en moyenne, et le fait que deux ou
trois se produisent dans un intervalle resserré n'indique pas qu'une
tendance se dessine).
-la loi de l'instrument (ou marteau de Maslow):
Un biais de jugement qui consiste à généraliser abusivement
l'utilisation d'un outil qui nous est familier (une méthode, un
raisonnement, une interprétation, une ligne de conduite...) dans des
situations où celui-ci n'est pourtant pas le plus approprié, voire où il
est source d'erreur. Ce biais, qui s'apparente à la déformation
professionnelle, a été résumé en 1966 par le psychologue américain
Abraham Maslow de la façon suivante: "si le seul outil que vous
connaissez est un marteau, il est tentant de tout traiter comme un
clou".
Exemple: A partir des années 1950, la morsure de
certaines araignées est identifiée comme une cause possible de nécrose
cutanée chez l'humain. Sensationnel et inquiétant, ce phénomène est
rapidement devenu très célèbre. Dans le monde médical, ce diagnostic
émergent est alors rapidement devenu un véritable marteau de Maslow,
se généralisant comme une explication commode et cohérente, en
l'absence de preuves, à toute lésion cutanée difficilement
interprétable. Encore aujourd'hui, malgré 20 ans de récentes recherches
démontrant la rareté des vrais cas de morsures nécrotiques d'araignées,
l'impossibilité de les distinguer visuellement d'une lésion due à une
cause autre, et l'importance de ne pas tirer cette conclusion trop
hâtivement (un diagnostic erroné veut dire un traitement inadéquat...),
ces diagnostics abusifs restent très nombreux et constituent toujours un
important problème, autant pour les araignées persécutées pour rien, que pour les malades.
- la tache aveugle à l'égard des préjugés: La sous-estimation involontaire et illusoire de sa propre vulnérabilité aux biais cognitifs et aux idées préconçues.
Exemple: "Mon intuition et mon esprit critique sont très développés, je me trompe rarement, donc je suis à l'abri des biais cognitifs".
Merci à Laudine Carbuccia, doctorante en sciences cognitives, pour la relecture et correction de ce glossaire.
Les références sont intégrées au texte; les mots en vert sont cliquables et vous redirigeront vers les sources.
Les mots en vert et en gras sont cliquables et vous enverront vers un glossaire où ils sont définis.
Je ne suis l'auteur original d'aucune des images utilisées pour illustrer ce glossaire, sauf celle qui illustre la définition de "pseudoscience"; elle n'est pas libre de droit.
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